La loi n° 2010-1245 du 15 octobre 2010 a ouvert l’organisation des élections professionnelles aux TPE (les entreprises comptant moins de 11 salariés). Ces élections doivent notamment permettre (i.) de déterminer le nombre de sièges dont les organisations syndicales disposeront au sein des commissions paritaires régionales, (ii.) de désigner les conseillers prud’homaux et surtout (iii.) de mesurer l’audience électorale globale de chaque organisation syndicale. Naturellement, le calcul de cette audience est un enjeu crucial pour les organisations syndicales, cette audience permettant de déterminer lesquelles seront représentatives au niveau national et interprofessionnel et pourront ainsi activement prendre part à la négociation collective et assurer la gestion de divers organismes paritaires.
Dans le cadre de ce scrutin organisé tous les quatre ans, les organisations syndicales peuvent se porter candidates au niveau régional ou au niveau national, étant précisé que le vote se fait sur sigle : les électeurs ne votent pas pour un candidat mais pour une organisation syndicale.
L’article R. 2122-35 du Code du travail consacré aux candidatures des organisations syndicales de salariés lors de ces élections distingue les organisation syndicales interprofessionnelles et les syndicats professionnels, ces derniers devant indiquer « la ou les branches dans lesquelles ils se portent candidats compte tenu des salariés qu’ils ont statutairement vocation à représenter ». Conformément à ces dispositions, le scrutin organisé au niveau national donne lieu à l’établissement de deux listes de candidatures déposées auprès de la Direction Générale du Travail: une liste pour les syndicats professionnels et une liste pour les organisations syndicales interprofessionnelles.
C’est dans ce contexte qu’à l’occasion du dernier scrutin organisé dans les TPE en 2020, une organisation syndicale professionnelle avait, peu de temps avant de déposer sa candidature, modifié ses statuts afin d’y ajouter que son champ professionnel couvrait « tous les salariés sans exclusive (les cadres compris) ». Compte tenu du champ ainsi défini par l’organisation syndicale, la Direction Générale du Travail avait inscrit cette organisation en tant qu’organisation syndicale interprofessionnelle.
Cette décision a été contestée devant le Tribunal judiciaire par plusieurs organisations syndicales interprofessionnelles, ces dernières soutenant que seules les unions et confédérations pouvaient avoir un champ général interprofessionnel. L’organisation syndicale arguait quant à elle que les organisations syndicales étaient libres de déterminer leur champ de compétence statutaire.
Le Tribunal Judiciaire a fait droit aux arguments des organisations syndicales interprofessionnelles et a ainsi écarté la candidature de l’organisation syndicale professionnelle du scrutin en cause. Cette dernière s’est ainsi pourvu en cassation.
Se fondant sur les dispositions de l’article L. 2131-2 du Code du travail qui dispose que les syndicats professionnels regroupent les personnes « exerçant la même profession, des métiers similaires ou des métiers connexes concourant à l’établissement de produits déterminés ou la même professionnel libérale », la Cour de cassation opère dans un arrêt du 21 octobre 2020 une distinction entre :
- Les unions de syndicats qui peuvent être intercatégorielles,
- Et les syndicats professionnels primaires qui « ne peuvent représenter tous les salariés et tous les secteurs d’activités » (Cassation, Sociale, 21 oct. 2020, n°20-18.669).
Au terme de sa décision, à laquelle la Cour de cassation a entendu donner la plus large diffusion possible (en lui attribuant une classification PBRI et en l’accompagnant de la publication d’un communiqué en ligne), la Haute Juridiction de l’ordre judiciaire a rejeté le pourvoi de l’organisation syndicale en concluant que cette dernière « ne pouvait plus être qualifiée d’organisation syndicale professionnelle et que, ne constituant pas une union syndicale, elle ne pouvait pas être candidate au scrutin permettant de mesurer l’audience syndicale auprès des salariés » des TPE.
Si cette décision n’est pas particulièrement novatrice, elle permet à la Cour de cassation de rappeler que l’objet premier des organisations syndicales est la représentation des intérêts d’une profession, cet objectif étant de plus en plus perdu de vue. Aussi, dans un contexte d’accélération de la restructuration des branches professionnelles et de multiplication des négociations sectorielles, une telle décision peut avoir un effet salutaire.
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1155_21_45741.html
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/notes_explicatives_7002/relative_arret_45746.html