La Cour de cassation par un arrêt du 22 janvier 2025 (Cass. soc., 22 janvier 2025, n°23-10888), a considéré que les manquements commis par une salariée pendant une croisière organisée par l’employeur, et reconnus par l’intéressée, relevaient de sa vie personnelle et ne caractérisaient pas un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise.
En l’espèce, lors d’une croisière organisée par l’employeur pour récompenser des salariés ayant remporté un concours interne, une salariée a fumé le narguilé dans la cabine qu’elle partageait durant la croisière avec une autre salariée enceinte et a obstrué le détecteur incendie. Après la découverte de ces faits, le commandant de bord a ordonné le débarquement anticipé de cette salariée, ayant contraint l’employeur à prendre en charge les frais de logement et de rapatriement de cette salariée.
L’employeur a ensuite initié une procédure de licenciement pour motif disciplinaire à l’égard de cette salariée, en raison du non-respect des règles de sécurité applicables sur le bateau, en ayant mis en danger la sécurité des passagers, dont sa collègue enceinte qui partageait sa cabine, et de l’atteinte portée à l’image de la Société, eu égard aux commentaires faits par les autres passages présents sur la bateau.
La salariée a contesté cette mesure de licenciement devant le Conseil de prud’hommes. La Cour d’appel a fait droit aux demandes formulées par la salariée, en considérant que cette dernière « ne se trouvait pas au moment des faits au temps du travail et ne se trouvait donc soumise à aucun lien de subordination, qu’elle ne se trouvai pas soumise aux règles en vigueur au sein de l’entreprise puisque les faits avaient eu lieu en dehors du lieu de travail », et en jugeant ainsi que les faits reprochés relevaient de la vie personnelle de la salariée.
Les juges du fond ont aussi retenu que ces faits tirés de la vie personnelle de la salariée ne pouvaient être sanctionnés par l’employeur, dans la mesure où celui-ci « ne démontrait pas un trouble caractérisé causé à l’entreprise, dont le fonctionnement était peu influencé par l’opinion des membres de l’équipage ayant pu être informés de l’incident, ni par les commentaires qu’avaient pu en faire les passagers ».
L’employeur a alors formé en pourvoi en cassation, en considérant que le comportement fautif de la salariée, en dépit de sa survenance pendant un voyage organisé par l’entreprise, justifiait son licenciement, dès lors qu’elle avait « manqué à plusieurs obligations résultant de son contrat de travail, à savoir son obligation de sécurité et les principes de préséance et savoir être s’imposant à elle au regard de la nature de ses fonctions de vendeuse » et avait porté atteinte à l’image de l’entreprise.
La Haute juridiction, confirmant l’arrêt des juges du fond, rejette l’argumentation développée par l’employeur au soutien de son pourvoi.
Après avoir rappelé qu’ « un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail » et qu’ « un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise résultant d’un fait tiré de la vie personnelle d’un salarié ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de celui par lequel il est survenu », la Cour de cassation relève que les faits reprochés à la salariée ont eu lieu en dehors de son temps de travail et que l’employeur ne démontrait pas de trouble caractérisé à l’entreprise par ce comportement.
Ainsi, la Haute juridiction juge que « les faits reprochés à la salariée relevaient de sa vie personnelle et ne pouvaient constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail », de sorte que l’employeur ne pouvait la sanction à ce titre.
Autrement dit, la possibilité de sanctionner les manquements commis par un salarié dans le cadre de sa vie personnelle nécessite que l’employeur démontre qu’ils ont eu des conséquences préjudiciables sur l’entreprise, ce qui est apprécié de manière restrictive par les juridictions.