La caractérisation de faits de harcèlement moral en droit du travail ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel, de sorte que le juge prud’homal peut ne pas être lié par la décision du tribunal correctionnel ayant relaxé l’employeur des faits de harcèlement moral à l’encontre de l’un de ses salariés, ainsi qu’il ressort d’un arrêt de la Cour de cassation du 18 janvier 2023 (Cass. soc. 18 janvier 2023, n° 21-10.233 F-D).
En l’espèce, les dirigeants de la société employeur, poursuivis pour harcèlement moral au préjudice de leur salarié, avaient été relaxés par le tribunal correctionnel pour les motifs suivants :
« Les différents éléments évoqués ne sont pas suffisants pour constituer des faits de harcèlement. Une partie des comportements et propos décrits ne sont pas avérés, d’autant plus que la majorité des salariés n’ont pas été entendus. D’autre part, certains comportements de l’employeur apparaissent compréhensibles au regard du contexte, et en tout état de cause relever davantage d’une mauvaise gestion du personnel ou d’un contentieux prud’homal que d’un harcèlement pénalement condamnable. »
Dans le cadre du volet prud’homal de ce dossier qui avait suivi, portant sur la contestation par le salarié de son licenciement, la cour d’appel avait néanmoins retenu l’existence d’un harcèlement moral à son préjudice et considéré que ce licenciement était par conséquent nul.
La cour d’appel avait d’abord relevé que si le tribunal correctionnel avait relaxé les employeurs des faits de harcèlement moral à l’encontre de l’intéressé, cette relaxe prononcée ne la liait pas en l’espèce, dès lors que le tribunal avait notamment jugé ne pouvoir se prononcer sur les obligations du salarié en l’absence de production de son contrat de travail.
Elle avait ensuite fait ressortir que le jugement du tribunal correctionnel, qui avait retenu que certains comportements de l’employeur relevaient davantage d’une mauvaise gestion du personnel ou d’un contentieux prud’homal que d’un harcèlement pénalement condamnable, était fondé également sur le défaut d’élément intentionnel.
La société s’était pourvue en cassation en faisant notamment valoir que « les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité absolue ».
Après avoir rappelé que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique n’ont au civil autorité absolue, à l’égard de tous, qu’en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé et que la caractérisation de faits de harcèlement moral en droit du travail, tels que définis à l’article L. 1152-1 du code du travail, ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi.
Selon la Haute juridiction, la Cour d’appel avait pu légitimement considérer que la décision du juge pénal ne la privait pas de la possibilité de retenir des faits de harcèlement moral caractérisés par des méthodes de management inappropriées de la part de l’employeur.