Dans un arrêt du 7 décembre 2022 (n°21-19280), la Chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé une décision des juges du fond ayant retenu qu’un conducteur de métro avait abusé de son droit d’agir en justice et ne pouvait ainsi soulever la nullité de la révocation pour faute grave dont il avait fait l’objet et qui lui avait été notifiée à ce titre.
En effet, dans sa lettre de révocation, il était reproché notamment au salarié d’avoir affirmé que si son supérieur hiérarchique persistait dans sa volonté de le recevoir dans le cadre d’un entretien disciplinaire, il déposerait plainte contre lui au commissariat de police et d’avoir déclaré « si vous maintenez votre CRC, moi je vais aller porter plainte ».
Pour les juges d’appel, confirmés par la Haute juridiction, cette menace de déposer plainte constituait une nouvelle illustration, dans un contexte global de menaces à l’endroit de ses collègues et supérieurs, de la logique d’intimidation dont le salarié avait déjà fait montre par le passé, « en relevant qu’il avait déjà précédemment usé de cette menace sans la mettre à exécution le 19 juin 2014 en disant à son supérieur « soit vous me faites le courrier, soit je vais porter plainte pour harcèlement au commissariat » et que le 23 juin 2014, il avait affirmé « si demain vous me présentez une sanction, je me mets en maladie direct, et je vais à la police porter plainte ».
Le salarié n’a donc pas été suivi en sa demande de nullité de sa révocation qui, selon lui, portait atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, car notifiée en raison d’une action en justice introduite ou susceptible de l’être à l’encontre de son employeur.
Les juges ont au contraire considéré que ses menaces de déposer plainte constituaient un abus de droit d’agir en justice.
Le salarié n’a pas davantage été accueilli en sa contestation portant sur le caractère bien-fondé de cette révocation pour faute grave.
A ce titre, la Cour de cassation, dans sa décision du 7 décembre 2022, a considéré que les faits reprochés à ce salarié caractérisaient un abus de sa liberté d’expression, en ayant relevé :
« La cour d’appel qui, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté d’abord, que le salarié avait dit à son supérieur hiérarchique le 17 octobre 2016, devant témoins « Tout ce que vous dites ou faites est bidon de chez bidon », que le 18 octobre il a affirmé à un responsable « Moi quand je suis dans mon train je pense… Vous, dans votre bureau vous ne pensez pas », a pu en déduire, sans être tenue de répondre à un moyen inopérant, que ces propos ironiques tenus de manière réitérée et révélateurs de son insubordination face à sa hiérarchie, dans un contexte global de menaces à l’endroit de ses collègues, faisant ainsi ressortir leur caractère excessif, caractérisaient un abus de la liberté d’expression de l’intéressé.
11. Ayant ensuite constaté que les faits des 24, 25, 26 octobre et 17 novembre 2016 étaient matériellement établis et qu’ils démontraient une volonté réitérée du salarié d’insubordination et de désorganisation permanente du service, elle a pu en déduire qu’ils rendaient impossible son maintien dans l’entreprise ».