Dans le grand bazar actuel autour du régime social des indemnités de rupture, la Cour d’appel de Dijon s’est sentie obligée de rajouter sa pierre à l’édifice.
Dans cette affaire, l’URSSAF estimait que cette indemnité transactionnelle à la suite d’une rupture conventionnelle du contrat de travail « ne peut constituer qu’un complément d’indemnité de rupture et donc de nature salariale et non indemnitaire ».
La société soutenait pour sa part que la transaction avec le salarié était hors champ de la rupture conventionnelle et n’était pas soumise à forfait social.
Après avoir rappelé les dispositions de l’article l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur à l’époque des faits et l’article 80 duodecies du Code général des impôts, la Cour d’appel de Dijon, dans un arrêt du 8 juin 2023, estime que :
« Il convient de distinguer les indemnités transactionnelles qui ont un caractère salarial de celles qui ont un caractère indemnitaire. Ainsi, celles qui ont un caractère salarial sont assujetties à cotisations sociales. En revanche, si l’employeur prouve le caractère indemnitaire des indemnités transactionnelles versées, elles peuvent être exclues de manière globale de l’assiette des cotisations sociales. En cas de contentieux, il revient donc au juge d’analyser la transaction afin de faire ressortir la commune intention précise des parties et d’en déduire le caractère indemnitaire ou salarial des sommes concernées. Il incombe à l’employeur d’apporter la preuve du caractère indemnitaire des indemnités transactionnelles. Seule cette démonstration peut lui permettre d’exclure les sommes concernées de l’assiette des cotisations.
Les premiers juges ont estimé que la société démontrait que l’indemnité transactionnelle avait un fondement exclusivement indemnitaire, et n’entrait pas dans l’assiette des cotisations sociales.
A la lecture de la lettre en date du 26 février 2013 du salarié, M.[O], il est clairement établi que la volonté des parties est d’allouer une indemnité pour le préjudice de perte d’emploi de M.[O] et donc la société justifie du caractère indemnitaire en raison du préjudice subi par le salarié.
Le redressement opéré à ce titre n’est pas fondé.
Le jugement sera donc confirmé sur ce chef » (CA DIJON, Chambre sociale, 8 juin 2023, n°21/00243).
La décision est intéressante (déprimante ?) à plusieurs titres.
En premier lieu, les plus anciens d’entre nous auront le sentiment de visionner un épisode de « Retour vers le futur » en revivant une époque où les préambules des transactions faisaient 4 pages, qu’on « tartinait » pour créer un préjudice et qu’on discutait ensuite du tout devant les TASS… Les rédacteurs des transactions se voient (à nouveau) investis d’un pouvoir quasi magique qui est celui de pouvoir, au travers d’une rédaction astucieuse, décider ce qui est assujetti et ce qui ne l’est pas.
Un tel pouvoir ne peut que donner le vertige.
Mais si l’on accepte de revenir 23 ans en arrière, l’on se rappellera que l’amendement « Jaffré » avait pour but de mettre un terme à ces querelles incessantes avec l’URSSAF pour sécuriser le dispositif. Mais il est vrai qu’à l’époque la voracité gouvernementale n’avait pas réduit l’enveloppe potentiellement exonérée peau de chagrin…
En second lieu, le caractère indemnitaire est déduit d’un courrier du salarié établissant « que la volonté des parties est d’allouer une indemnité pour le préjudice de perte d’emploi ».
Pour autant la Cour de cassation rappelle avec une belle constance que « la transaction signée par le salarié et l’employeur postérieurement à l’homologation de la rupture conventionnelle du contrat de travail n’est valable que si elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture » (voir par exemple Cass. soc., 16 juin 2021, 19-26.083).
Alors même si le Tribunal judiciaire Pôle social n’est pas le meilleur endroit pour discuter de la validité d’une transaction, force est néanmoins d’admettre qu’il y a une petite incohérence…
CA DIJON, Chambre sociale, 8 juin 2023, n°21/00243