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Témoignage en justice et nullité du licenciement subséquent

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Depuis 1988, la Chambre Sociale de la Cour de cassation considère que le licenciement prononcé en violation d’une liberté fondamentale est nul (Cass. Soc. 28 avril 1988, n° 87-41.804).

L’article L. 1235-3-1 du Code du travail, issu des ordonnances Macron du 22 septembre 2017, confirme cette jurisprudence.

Parmi les libertés fondamentales, figure le droit de témoigner, garantie d’une bonne justice. Est ainsi reconnue au salarié la liberté de témoigner en faveur de toute personne en litige avec son employeur.

Il en résulte que, ni le fait de témoigner en justice, ni le contenu d’une attestation délivrée par un salarié dans le cadre d’une instance judiciaire, ne peut constituer une faute ou une cause de licenciement. Un licenciement prononcé pour ce motif est en effet frappé de nullité.

La solution a été expressément affirmée par la Haute Juridiction le 29 octobre 2013 (Cass. Soc. 29 octobre 2013, n° 12-22.447).

A cette occasion, la Cour de cassation a précisé qu’il existait toutefois une limite à la liberté du salarié de témoigner : la mauvaise foi.

« Attendu qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d’un autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur ».

Aucune précision n’était toutefois apportée sur ce qu’il fallait entendre par « mauvaise foi de son auteur ».

Cette précision semble avoir été apportée le 18 mai dernier.

Dans l’espèce soumise à la Cour de cassation, deux salariés avaient en effet été licenciés pour avoir, entre autres motifs, manqué de loyauté en délivrant une attestation de moralité en faveur d’un mineur, ayant relevé appel d’une condamnation pour des faits de violence commis sur un de leurs collègues.

L’employeur avait considéré que ces témoignage étaient emprunts de mauvaise foi dans la mesure où : 

  • Les attestations de moralité produites avaient été établies peu de temps après la notification d’une mise en garde adressée à chacun des deux salariés ;
  • La rédaction de l’attestation était manifestement le résultat d’une initiative conjointe et concertée des deux salariés ;
  • Le collègue, victime, avait indiqué avoir fait l’objet d’hostilités de la part des auteurs des attestations.

Se fondant sur ces éléments, la Cour d’appel avait validé les licenciements prononcés, au motif que les témoignages n’avaient manifestement pour objectif que de déstabiliser tant leur collègue que leur employeur, de sorte qu’ils étaient emprunts de mauvaise foi.

L’arrêt est toutefois cassé par la Cour de cassation, aux motifs suivants :

« Vu l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

5. En raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié dans le cadre d’une instance judiciaire, est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur.

 

6. Pour dire bien fondé le licenciement, l’arrêt retient que les attestations de moralité produites dans le cadre du procès pénal, ont été établies environ 3 semaines après la notification d’une mise en garde qui leur avait été adressée à chacun et que la rédaction de l’attestation est manifestement le résultat d’une initiative conjointe et concertée des deux salariés. Il relève également que leur collègue, victime, a indiqué qu’il avait fait l’objet de la part de M. [W] d’une diffusion contre lui d’informations erronées en 2008, et que les deux salariés avaient en 2013, cherché à lui faire perdre son emploi lui reprochant d’être « arabe », et enfin qu’ils lui avaient demandé d’agir avec eux pour faire perdre le marché de gardiennage à leur employeur dont le responsable ne leur plaisait pas en raison de son origine « camerounaise ». Il considère enfin que les témoignages ne pouvaient avoir aucun intérêt pour la manifestation de la vérité et énonce que l’ensemble de ces circonstances démontrent que loin de vouloir apporter de bonne foi leur concours à la justice, les salariés avaient seulement cherché, en témoignant, à déstabiliser, sans aucun fondement, d’une part la défense de leur collègue auxquels ils étaient hostiles et d’autre part, la défense de leur employeur qui venait de les mettre en garde dans des termes évocateurs d’une rupture de confiance. Il conclut enfin que par leur attitude empreinte de mauvaise foi, les salariés avaient fait un usage abusif de leur liberté de témoigner en justice, et que le grief de déloyauté n’était donc pas constitutif d’une atteinte à une liberté fondamentale.

7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la connaissance par les salariés de la fausseté des faits relatés, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Il en résulte que, selon la Haute Juridiction, l’usage abusif de la liberté de témoigner en justice ne semble pouvoir être caractérisé que lorsqu’il est démontré que les faits relatés sont inexacts, et que les salariés avaient connaissance de la fausseté de ces faits.

Toute autre circonstance ne semble pas pouvoir permettre de caractériser la mauvaise foi justifiant que soit prononcé un licenciement.

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045836510?init=true&page=1&query=20-14783&searchField=ALL&tab_selection=all

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