En cette période de renouvellement du Comité social et économique (CSE), la Cour de cassation a rendu un arrêt, le 4 octobre 2023, rappelant la particulière vigilance dont doit faire preuve l’employeur qui entend licencier ou, comme en l’espèce, imposer une mutation disciplinaire au salarié candidat aux élections professionnelles (pourvoi n°22-12.922).
Conformément à l’article L.2411-7 du Code du travail, le candidat aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du CSE bénéficie d’une protection contre le licenciement pendant une période de six mois courant à partir de l’envoi par lettre recommandée de la candidature à l’employeur.
Le salarié est également protégé lorsqu’il rapporte la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de sa candidature avant qu’il ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement.
En l’espèce, une salariée avait été convoqué à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Postérieurement à cet entretien, elle s’est portée candidate aux élections des délégués du personnel en qualité de suppléante.
La société lui a ensuite notifié sa mutation disciplinaire. La salariée a contesté cette sanction que la société a confirmée. Par la suite, la société a informé la salariée qu’elle était contrainte de la réintégrer sur le site où elle travaillait initialement.
Après mises en demeure de la salariée de justifier de ses absences, la société l’a sanctionnée à deux reprises d’une mise à pied disciplinaire pour absences injustifiées puis, après une nouvelle affectation et une nouvelle mise en demeure de reprendre son travail, l’a licenciée pour faute grave.
Préalablement au licenciement, la salariée avait saisi le Conseil de prud’hommes afin de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.
La Cour de cassation était saisie d’un pourvoi formé par l’employeur à l’encontre de la décision de la Cour d’appel qui avait fait droit à la demande de résiliation judiciaire. Il soutenait notamment que dès lors que la convocation à entretien préalable était antérieure à la candidature, le statut protecteur ne trouvait pas à s’appliquer.
Pourtant, la Cour, après avoir rappelé les principes applicables, à savoir qu’ « aucune modification de son contrat de travail ou changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé. En cas de refus par celui-ci de cette modification ou de ce changement, l’employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l’autorité administrative d’une demande d’autorisation de licenciement. », juge qu’ « ayant constaté qu’au moment où il a imposé une mutation à la salariée l’employeur avait connaissance de sa candidature aux élections professionnelles, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que l’employeur ne pouvait lui imposer de modification de ses conditions de travail sans son accord, peu important que cette candidature soit postérieure à la convocation de la salariée à l’entretien préalable à la sanction disciplinaire. ».
Ainsi, la Cour de cassation instaure une distinction entre la procédure de licenciement et la modification du contrat de travail du salarié candidat aux élections professionnelles :
- en cas de licenciement, l’employeur qui a convoqué le salarié à un entretien préalable avant l’annonce de la candidature, peut continuer la procédure de licenciement dans les conditions de droit commun. A cet égard, la Haute juridiction avait jugé, dans un arrêt du 28 janvier 2009, que « c’est au moment de l’envoi de la convocation à l’entretien préalable au licenciement que l’employeur doit avoir connaissance de la candidature d’un salarié aux élections professionnelles ; que lorsque l’employeur engage la procédure de licenciement avant d’avoir connaissance d’une candidature ou de son imminence, le salarié, même s’il est ultérieurement élu, ne bénéficie pas au titre de la procédure en cours du statut protecteur » (pourvoi n° 08-41.633) ;
- en cas de modification du contrat de travail ou des conditions de travail pour un motif disciplinaire, l’employeur qui a convoqué le salarié à un entretien préalable avant l’annonce de la candidature est tenu de solliciter l’autorisation de l’inspection du travail.