En principe, le travailleur frontalier reste assujetti à la sécurité sociale de l’Etat membre de travail habituel, si le travail dans son pays de résidence, dans le cadre du télétravail, n’atteint pas 25 % de son temps de travail global ou de sa rémunération. Dès lors que le salarié réalise au moins 25% de son activité en télétravail dans son état de résidence, la législation de sécurité sociale de son état de résidence doit lui être appliquée.
L’article 13 du règlement européen n°883/2004 du 29 avril 2004 prévoit, en effet, que la personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs états membres est soumise :
- à la législation de l’état membre de résidence si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet état membre ;
- ou si elle n’exerce pas une partie substantielle de ses activités dans l’état membre de résidence, à la législation de l’état membre dans lequel l’entreprise ou l’employeur a son siège social ou son siège d’exploitation.
Conformément à l’article 14 du règlement européen CE n°987/2009 du 16 septembre 2009, pour déterminer si une partie substantielle des activités est exercée dans un état membre, il est tenu compte du temps de travail et/ou de la rémunération, étant précisé que la réunion de moins de 25% des critères précités indiquera qu’une partie substantielle des activités n’est pas exercée dans l’état membre concerné.
Dans le cadre de la crise sanitaire, les Etats membres de l’Union Européenne ont toutefois mis en place une période de flexibilité en faveur des travailleurs frontaliers et transfrontaliers qui exercent une part substantielle de leur activité en télétravail dans leur état de résidence, afin d’éviter un changement de législation de sécurité sociale du fait d’un recours accru au télétravail.
Reconduite à plusieurs reprises, cette mesure de neutralisation des périodes de télétravail transfrontalier a pris fin le 30 juin 2023.
Afin de mettre en place des solutions pérennes en matière d’affiliation à la législation de sécurité sociale en cas de poursuite du télétravail transfrontalier au terme de la crise sanitaire, les Etats membres de l’Union Européenne ont conclu un accord cadre multilatéral sur le télétravail transfrontalier habituel.
Conclu pour une durée initiale de 5 ans, cet accord-cadre est entré en vigueur le 1er juillet 2023.
Un communiqué de presse du Ministère du travail du 30 juin dernier précise que la France serait signataire de cet accord-cadre. De nombreux pays ont déjà fait savoir qu’ils signeraient l’accord, tels que la Suisse, l’Allemagne, la Belgique ou le Luxembourg tandis que le Royaume-Uni ne sera pas signataire.
Pour que ces dispositions puissent s’appliquer, les deux états concernés (Etat de résidence et Etat d’implantation de l’entreprise) doivent être signataires de l’accord-cadre.
En application de cet accord, sont considérés comme télétravailleurs transfrontaliers ceux dont l’activité :
- peut être exercée à partir de n’importe quel endroit, y compris dans les locaux de l’employeur ou sur son lieu d’activité,
- est exercée dans un ou plusieurs états membres, autres que celui où sont situés les locaux de l’employeur ou le siège de l’entreprise,
- et s’appuie sur les technologies de l’information leur permettant de rester connecté à leur environnement de travail et de réaliser les tâches qui leur sont assignées par l’employeur ou les clients.
Cet accord-cadre élargit les possibilité de maintien de l’affiliation au régime de sécurité sociale de l’état du siège social de l’entreprise, sous réserve que les conditions suivantes soient satisfaites :
- l’état de résidence du salarié diffère de l’état du siège social ou du lieu d’établissement de son employeur ;
- la part de télétravail réalisée dans l’état de résidence est inférieure à 50% du temps de travail total du salarié ;
- la demande est formulée par le salarié ou par l’employeur, elle est déposée sur une plateforme dématérialisée et donnera lieu à la délivrance d’un certificat A1 par l’Etat du siège social de l’employeur qui en informera l’Etat de résidence du télétravailleur. Le formulaire A1 pourrait être délivré pour une durée allant jusqu’à trois ans, avec possibilité d’extension.
En d’autres termes, conformément à l’accord-cadre, un travailleur frontalier qui travaille cinq jours par semaine pourrait exercer ses fonctions en télétravail dans son pays de résidence jusqu’à 2,5 jours par semaine, en restant soumis à la législation de sécurité sociale de l’Etat membre où se trouve le siège social ou le lieu d’établissement de son employeur, sous réserve qu’une demande d’un formulaire A1 reconnaissant le maintien de l’application de cette législation soit effectuée et que les deux états en question soient signataires de l’accord-cadre.
Notons toutefois que cet accord-cadre ne règle pas les difficultés qui demeurent s’agissant des règles de droit du travail et de droit fiscal applicables aux travailleurs transfrontaliers.