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Responsabilité pénale d’une personne morale : vers un retour en arrière?

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Voici une décision très critiquable de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim. 24 avril 2024, n° 22-82.646), qui, pour retenir la responsabilité pénale d’une personne morale sur le fondement notamment de l’article 121-2 du Code pénal, considère que :

 

  • « L’identification de la personne ayant la qualité d’organe ou de représentant, ayant commis l’infraction pour le compte de la personne morale, n’a pas à être obligatoirement énoncée dans la citation », considération qui n’est certes pas nouvelle (notamment : Cass crim. 8 janvier 2019, n°17-86.430), mais regrettable au regard, entre autres, du principe du contradictoire et des droits de la défense ;

 

  • « De plus, dès lors que seule la responsabilité pénale de la personne morale est recherchée, la détermination de l’organe ou du représentant de celle-ci est nécessairement dans les débats, ce qui met ainsi la société concernée en mesure de se défendre utilement », formule particulièrement floue.

 

L’on pourrait déduire de cette formulation, et en particulier de la part d’autorités de poursuite, qu’il suffirait de citer ou convoquer une personne morale, à qui il est reproché une infraction (ou plusieurs) devant une juridiction pénale de jugement, à charge ensuite pour cette dernière d’examiner « dans les débats » s’il peut être identifié un organe ou un représentant pouvant engager la responsabilité pénale de cette personne morale, alors même que ce travail d’examen supposerait d’être effectué avant cette citation/convocation, ne serait-ce que pour vérifier l’opportunité d’une telle poursuite.

 

En se prononçant de la sorte, la Haute juridiction semble revenir sur sa lecture plus stricte de l’article 121-2 du Code pénal, adoptée depuis ses arrêts de 2011 etimposant aux juges du fond de caractériser la commission par un organe ou un représentant déterminé de l’infraction reprochée à la personne morale et de la nécessité de motiver leurs décisions en sens (notamment : Cass. crim., 11 octobre 2011, n°10-87.212).

 

Par ailleurs, la Cour de cassation retient une interprétation singulière de la notion de délégation de pouvoirs, en retenant dans cette espèce que le directeur juridique de la société concernée, qui a été finalement condamnée pour tentative d’escroquerie au jugement, disposait « de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires à l’exercice de la mission que lui a donnée le représentant légal de la société qui l’a d’ailleurs chargé de représenter cette dernière dans le cadre de la procédure pénale ».

 

Autrement dit, parce qu’il l’a représentée à l’occasion de cette procédure pénale, sans y être personnellement mis en cause, ce salarié aurait « validé » la délégation de pouvoirs qui lui aurait été consentie, de sorte qu’il pourrait être considéré comme étant un « représentant » au sens de l’article 121-2 du Code pénal permettant l’engagement de la responsabilité pénale de la personne morale en cause.

 

C’est néanmoins méconnaître notamment les dispositions de l’article 706-43 du Code de procédure pénale prévoyant en cas d’action publique exercée à l’encontre d’une personne morale la possibilité pour celle-ci de désigner une personne, autre que son représentant légal, chargée de la représenter pendant cette procédure pénale.

 

Cette représentation ne saurait s’apparenter à une éventuelle implication dans l’infraction reprochée à la personne morale, sauf à dissuader les personnes physiques qui seraient ainsi désignées…

 

https://www.courdecassation.fr/decision/6628a0deb2cb67000826a429

 

 

 

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