Dans un arrêt rendu le 1er juin 2022 (n°20-16836), la Cour de cassation s’est positionnée sur la possibilité pour un salarié titulaire de mandats de représentation de solliciter en référé le paiement de ses heures de délégation en cas de refus de paiement de l’employeur.
En l’espèce, au cours de l’année 2018, la société avait demandé à un salarié titulaire de plusieurs mandats de représentation de reprendre une activité professionnelle effective au motif que la durée de ses mandats ne couvrait plus l’intégralité de son temps de travail contractuel.
Ce dernier n’ayant pas repris ses fonctions, la société avait alors opéré des retenues sur salaire pour la partie de son temps de travail non couverte par des heures de délégation.
Le 20 février 2019, le salarié a saisi la juridiction prud’homale en référé aux fins d’obtenir une provision au titre des retenues sur salaires opérées, outre les congés payés afférents.
La Cour d’appel de Grenoble, saisie de ce litige en cause d’appel, a fait droit à la demande du salarié.
La société a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt, en arguant notamment que le juge prud’homal statuant en référé n’était pas compétent pour accorder une provision au créancier dès lors que « se heurte à une contestation sérieuse qui excède la compétence du juge des référés, la demande de provision du salarié au titre d’heures de délégation qui est contestée par l’employeur non pas en raison d’un défaut de conformité d’utilisation de celles-ci, mais parce que les mandats représentatifs du salarié ne couvrent plus désormais l’intégralité de son temps de travail, le privant ainsi du droit à la rémunération afférente ».
La Cour de cassation, après avoir rappelé qu’il résulte de l’article L. 2143-17 du code du travail que les temps de délégation sont de plein droit considérés comme temps de travail et payés à l’échéance normale et de l’article R. 1455-6 du même code, que la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, énonce que “la cour d’appel, qui a constaté que l’employeur avait opéré des retenues sur le salaire mensuel du salarié au titre des heures de délégation, a ainsi caractérisé l’existence d’un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser par le remboursement des retenues ainsi opérées, peu important l’existence de la contestation sérieuse élevée par l’employeur selon lequel les mandats représentatifs du salarié ne couvraient plus l’intégralité de son temps de travail”.
Cet arrêt est à rapprocher d’un arrêt du 10 janvier 2006 dans lequel la Cour de cassation avait eu l’occasion de juger que « le conseil de prud’hommes qui a constaté que l’employeur refusait de payer les heures de délégation à l’échéance normale a pu, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite » (Cass. soc. 10 janvier 2006 n° 04-46.838).