Faute de dispositions légales, la jurisprudence a défini le « socle contractuel » auquel l’employeur ne peut pas apporter de modification sans préalablement obtenir l’accord du salarié. De longue date, il est ainsi établi que ce socle comprend les éléments « essentiels » du contrat de travail, à savoir la rémunération, le temps de travail, la fonction du salarié et, dans certains cas, le lieu de travail.
Dans un arrêt du 13 décembre 2023 (n°21-25.501), la Cour de cassation a étonnement jugé que la contractualisation pouvait résulter d’une erreur de l’employeur, alors qu’il est de jurisprudence constante que l’erreur – même répétée – n’est pas créatrice de droit (Cass. soc., 10 mai 1979, n° 78-40.296).
En l’espèce, constatant qu’il avait versé par erreur, pendant 7 années, des primes à un salarié, un employeur a décidé de supprimer ce versement.
Contestant cette suppression, le salarié a saisi le juge des référés aux fins d’obtenir la reprise du versement des primes, ainsi que des rappels de salaire au titre de la période où celles-ci n’ont plus été versées.
En appel, le juge fait droit aux demandes du salarié au motif que « la suppression du versement des primes à M. B. à compter de décembre 2016, alors qu’elles étaient devenues parties intégrantes de sa rémunération, constitue une modification unilatérale d’un élément de son contrat de travail, qui ne pouvait lui être imposée sans son accord préalable » (Paris, 28 octobre 2021, n°20/08087).
Exit l’erreur non créatrice de droit, faites place à la contractualisation !
L’employeur se pourvoit en cassation. Pourvoi rejeté ! La Cour de cassation confirme la décision des juges du fond au motif que « l’employeur avait pendant plus de sept années versé de façon continue au salaire des primes d’équipe et de casse-croûte, auxquelles celui-ci, faute de travailler en équipe, ne pouvait prétendre, la cour d’appel, qui a ainsi fait ressortir leur contractualisation, a pu écarter l’existence d’une erreur dans le paiement de ces primes ».
Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation voit dans une situation de fait, une volonté de contractualiser.
En effet, cela est déjà le cas en matière de travail à domicile.
Ainsi, la Cour de cassation juge de longue date que « lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié » (Cass. soc., 31 mai 2006, n°04-43.592), et ce quand bien même le travail à domicile n’aurait pas été formalisé (Cass. soc., 13 février 2013, n°11-22.360).
Ainsi, la Cour reconnait la nature contractuelle du mode d’organisation du travail.
Ce principe a été appliqué, plus récemment, à plusieurs reprises par les juges du fond (Orléans, 7 décembre 2021, n°19/01258 ; Douai, 23 mars 2023, n°21/00377).
Ces positions sont critiquables dès lors que les juges concluent qu’une erreur ou une simple pratique devient un élément contractuel sur lequel l’employeur ne peut plus revenir.
La vigilance est donc de mise !