Les arrêts de la Cour de cassation relatifs à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (désormais dénommée « prime de partage de la valeur ») sont suffisamment rares pour être soulignés.
Après la question du traitement de la période de congé de reclassement dans le cadre d’un droit à la PEPA (Cass. Soc. 19 avril 2023, n° 21-23.092), la Cour de cassation se penche, dans deux arrêts du 25 octobre 2023, sur la situation des salariés temporaires exécutant des missions d’intérim au sein d’une entreprise utilisatrice versant la PEPA à ses salariés permanents.
Dans une première espèce, l’entreprise de travail temporaire avait mis en place au profit de ses salariés permanents et temporaires, par décision unilatérale du 28 décembre 2018, une PEPA en application de l’article 1er de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018. L’entreprise utilisatrice, par décision unilatérale du 29 janvier 2019, avait de son côté décidé de mettre en place cette prime au profit de ses salariés liés à la société par un contrat de travail au 31 décembre 2018.
Plusieurs salariés intérimaires ont saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant au paiement par l’entreprise de travail temporaire de la PEPA mise en place par l’entreprise utilisatrice.
Notons que l’article 1er de la loi du 24 décembre 2018 ne comportait aucune disposition concernant les salariés temporaires. Dans une instruction du interministérielle N°DSS/5B/5D/2019/2 du 4 janvier 2019, l’administration avait cependant précisé que :
« Les salariés intérimaires bénéficient de la prime exceptionnelle versée par l’entreprise de travail temporaire dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l’entreprise de travail temporaire.
L’entreprise utilisatrice peut verser aux salariés intérimaires présents dans l’entreprise une prime exceptionnelle, au même titre que ses propres salariés, conformément aux dispositions des articles L. 1251-18 et L. 1251-43 alinéa 6 du code du travail. L’entreprise utilisatrice devra communiquer à l’entreprise de travail temporaire (ETT) la décision unilatérale ou l’accord ayant donné lieu à l’attribution de la prime pour que l’ETT puisse effectuer le paiement de la prime aux salariés concernés. Cette prime exceptionnelle ouvre alors droit aux mêmes exonérations que celles applicables aux primes versées à l’ensemble des salariés de l’entreprise utilisatrice.
L’entreprise de travail temporaire dont une partie des salariés intérimaires a bénéficié d’une prime versée par les entreprises utilisatrices ne peut être tenue de verser cette prime à ses salariés intérimaires en mission dans d’autres entreprises utilisatrices. »
Se fondant sur les dispositions des articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du Code du travail, aux termes desquels la rémunération, au sens de l’article L. 3221-3 du code du travail, perçue par le salarié intérimaire, ne peut être inférieure à celle prévue au contrat de mise à disposition, telle que définie au 6° de l’article L. 1251-43 du même code, que percevrait dans l’entreprise utilisatrice, après période d’essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail, la Cour de cassation énonce que :
- la PEPA, qui constitue un accessoire payé par l’employeur, entre dans la rémunération du salarié ;
- l’article 1er de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 ne déroge pas à l’article L. 1251-18 du Code du travail ;
- le règlement de la PEPA en exécution de son engagement unilatéral ne dispensait pas l’entreprise de travail temporaire du paiement de celle instituée au sein de l’entreprise utilisatrice au profit des salariés permanents de cette dernière, à laquelle elle ne pouvait se substituer.
En d’autres termes, les salariés temporaires peuvent cumuler la prime versée par l’entreprise utilisatrice avec celle mise en place par l’entreprise de travail temporaire.
Dans une seconde espèce, l’entreprise utilisatrice avait décidé de mettre en place une PEPA au profit de ses salariés. La décision unilatérale instituant cette prime excluait les salariés en contrat d’intérim au 31 décembre 2018.
La Cour d’appel avait débouté le syndicat agissant en faveur de la salariée temporaire en retenant que l’entreprise utilisatrice avait clairement stipulé dans sa décision unilatérale qu’elle ne souhaitait pas donner cette PEPA aux intérimaires.
Cette motivation est censurée par la Cour de cassation, celle-ci énonçant à nouveau que l’article 1er de la loi du 24 décembre 2018 ne déroge pas à l’article L. 1251-18 du Code du travail consacrant le principe d’égalité de traitement entre salariés permanents et intérimaire.
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Ces solutions sont transposables à la PPV. L’article 1er de la loi du 16 août 2022 relative à la PPV prévoit en effet expressément que l’entreprise utilisatrice qui attribue cette prime à ses salariés en informe sans délai l’ETT dont relève le salarié temporaire mis à sa disposition, laquelle en informe sans délai son CSE lorsqu’il existe et verse la prime au salarié temporaire, selon les conditions et les modalités fixées par l’accord ou la décision de l’entreprise utilisatrice.
L’Instruction relative à la PPV, intégrée au BOSS, rappelle à ce titre que « Lorsqu’une prime est attribuée à un même salarié par plusieurs EU ou par une ou plusieurs EU et par l’ETT, chacune des entreprises ayant attribué la prime est considérée, pour l’appréciation du respect des conditions d’attributions prévues par le présent dispositif, comme un employeur distinct ».
Les entreprises utilisatrices ont tout intérêt à communiquer à l’ETT les éléments nécessaires permettant à celles-ci de verser la PPV aux salariés intérimaires afin d’éviter toute mise en cause par l’ETT.
https://www.courdecassation.fr/decision/6538b17d7ffc2c8318edfd53
https://www.courdecassation.fr/decision/6538b1707ffc2c8318edfd51