Dans un arrêt rendu le 29 mai 2024 (n°22-18.887), la Cour de cassation a jugé que le point de départ du délai de prescription de deux mois des faits fautifs courait à compter de la connaissance exacte par l’employeur des agissements fautifs, peu importe le dépôt d’un rapport qu’enquête interne diligenté sur ces mêmes faits.
En l’espèce, l’employeur, informé de faits susceptibles d’être qualifiés de fraude, a saisi le Comité anti-fraude de l’entreprise et une enquête interne a été diligentée à compter du 13 octobre 2017. Le rapport final d’enquête a été remis à la Société le 29 novembre 2017.
Dans le prolongement, l’employeur a engagé la procédure de licenciement dans le délai de deux mois suivant la remise des conclusions de l’enquête, en convoquant le salarié à un entretien préalable le 3 janvier 2018. Postérieurement, la Société lui a notifié son licenciement pour faute grave le 23 janvier 2018.
Le salarié a alors contesté la mesure de licenciement devant le Conseil de prud’hommes, prétextant que l’employeur avait engagé la procédure disciplinaire au-delà du délai de deux mois après les faits énoncés dans la lettre de licenciement.
Les juges du fond ont fait droit aux demandes du salarié, considérant que l’employeur avait connaissance des faits avant la remise du rapport d’enquête, et au plus tard le 30 octobre 2017, date à laquelle le salarié avait envoyé un courriel à son responsable hiérarchique décrivant de manière circonstanciée le montage qu’il avait mis en place. La procédure disciplinaire engagée le 3 janvier 2018 était donc nécessairement tardive.
La Société a alors formé un pourvoi en cassation, aux motifs qu’une enquête interne était en cours afin de dégager les responsabilités dans cette fraude interne, pouvant également recevoir la qualification de « corruption d’un agent étranger », dont les résultats avaient été présentés dans le rapport d’enquête établi le 29 novembre 2017, date à laquelle l’employeur avait pu avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié. Selon la Société, la procédure disciplinaire engagée dans les deux mois suivant la remise de ce rapport n’était donc pas tardive.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve le raisonnement des juges du fond. La Haute juridiction a en effet considéré qu’il était établi que l’employeur avait connaissance, le 30 octobre 2017 au plus tard, des faits énoncés dans la lettre de licenciement, peu importe le dépôt d’un rapport d’enquête interne qui n’avait rien révélé de nouveau, si bien que les faits étaient prescrits au moment de l’engagement de la procédure disciplinaire.
Dans un arrêt en date du 10 juillet 2001, la Cour de cassation avait pourtant jugé que lorsqu’une enquête interne était diligentée aux fins de mesurer l’ampleur des fautes commises par un salarié, c’était la date à laquelle les résultats de l’enquête étaient connus de l’employeur qui marquait le point de départ du délai de prescription de deux mois (Cass., soc., 10 juillet 2001, n°04-47.683). Cependant, dans cette affaire, l’employeur n’avait pas connaissance des faits avant les conclusions de l’enquête.
Tel n’est pas le cas de la présente espèce, puisqu’il a été établi que l’employeur avait connaissance, avant la remise du rapport d’enquête, des faits énoncés dans la lettre de licenciement.
Par cet arrêt, la Cour de cassation fait une application stricte des textes et de sa jurisprudence antérieure, aux termes desquels le point de départ du délai de prescription de deux mois court à compter de la connaissance par l’employeur de l’agissement fautif (Voir notamment : Cass., soc., 23 février 2005, n°02-47.272).