Le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire a été définitivement adopté par le Parlement le 25 juillet 2021. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 juillet et sa décision est attendue le 5 août prochain. La mise en œuvre des mesures contenues dans cette loi suscite d’ores et déjà de nombreuses questions auxquelles les entreprises seront rapidement confrontées.
En quoi consiste le « passe sanitaire » ?
Le « passe sanitaire » consiste en la présentation numérique (via l’application TousAntiCovid) ou papier, d’une preuve sanitaire, parmi les trois suivantes :
- La vaccination, à la condition que les personnes disposent d’un schéma vaccinal complet, soit :
– 7 jours après la 2ème injection pour les vaccins à double injection (Pfizer, Moderna, AstraZeneca) ;
– 4 semaines après l’injection pour les vaccins avec une seule injection (Johnson & Johnson) ;
– 7 jours après l’injection pour les vaccins chez les personnes ayant eu un antécédent de Covid (1 seule injection).
- Le résultat d’un test RT-PCR positif attestant du rétablissement à la suite d’une contamination par la COVID-19, datant d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois ;
- Le résultat d’un test négatif (RT-PCR ou antigénique) de moins de 48 heures avant l’accès à l’établissement, au lieu ou à l’évènement (72 heures maximum pour le contrôle sanitaire aux frontières).
Quels sont les lieux concernés ?
Depuis le 21 juillet 2021, le passe sanitaire est exigé pour accéder aux lieux de loisirs et de culture rassemblant plus de 50 personnes. Toute personne de plus de 18 ans et plus doit ainsi présenter l’une des trois preuves sanitaires prévues par le passe pour accéder aux lieux et événements suivants :
- Les salles d’auditions, de conférences, de projection, de réunions
- Les chapiteaux, tentes et structures
- Les salles de concerts et de spectacles
- Les cinémas
- Les festivals (assis et debout)
- Les événements sportifs clos et couverts
- Les établissements de plein air
- Les salles de jeux, escape-games, casinos
- Les lieux de culte lorsqu’ils accueillent des activités culturelles et non cultuelles
- Les foires et salons
- Les parcs zoologiques, les parcs d’attractions et les cirques
- Les musées et salles d’exposition temporaire
- Les bibliothèques (sauf celles universitaires et spécialisées)
- Les manifestations culturelles organisées dans les établissements d’enseignement supérieur
- Les fêtes foraines comptant plus de 30 stands ou attractions
- Tout événement, culturel, sportif, ludique ou festif, organisé dans l’espace public susceptible de donner lieu à un contrôle de l’accès des personnes
- Les navires et bateaux de croisière avec hébergement
- Les discothèques, clubs et bars dansants.
Le seuil de 50 salariés est déterminé en fonction du nombre de personnes dont l’accueil est prévu par l’exploitant de l’établissement ou du lieu ou par l’organisateur de l’évènement.
A compter de la promulgation de la loi relative à la gestion de la crise sanitaire (début août), la présentation du passe sanitaire sera obligatoire pour accéder aux lieux, établissements ou évènements où sont exercées les activités suivantes :
- Les activités de loisirs ;
- Les activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l’exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire : les restaurants d’entreprise ne sont donc pas concernés ;
- Les foires, séminaires et salons professionnels ;
- Sauf en cas d’urgence, les services et établissements de santé, sociaux et médico‑sociaux, pour les seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements ainsi que pour celles qui y sont accueillies pour des soins programmés. La personne qui justifie remplir les conditions du passe sanitaire ne peut se voir imposer d’autres restrictions d’accès liées à l’épidémie de covid‑19 pour rendre visite à une personne accueillie et ne peut se voir refuser l’accès à ces services et établissements que pour des motifs tirés des règles de fonctionnement et de sécurité de l’établissement ou du service, y compris de sécurité sanitaire ;
- Les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux au sein du territoire national, sauf en cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif requis ;
- Sur décision motivée du Préfet, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au-delà d’un seuil défini par décret et dans des conditions garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi qu’aux moyens de transport le cas échéant.
Cette réglementation a vocation à s’appliquer :
- Au public, à compter de la promulgation de la loi ;
- Aux personnes intervenant dans ces lieux, services ou évènements, à partir du 30 août 2021 : sont donc visés les salariés qui travaillent dans ces établissements mais également les salariés des entreprises prestataires qui interviennent dans lesdits établissements ;
- Aux mineurs de plus de douze ans à compter du 30 septembre 2021.
Elle s’impose quelle que soit la capacité d’accueil de l’établissement.
Autorisation d’absence pour se faire vacciner
La loi prévoit que les salariés, les stagiaires et les agents publics bénéficient d’une autorisation d’absence pour se rendre aux rendez-vous médicaux liés aux vaccinations contre la COVID-19. Une autorisation d’absence peut également être accordée au salarié, au stagiaire ou à l’agent public qui accompagne le mineur ou le majeur protégé dont il a la charge aux rendez-vous médicaux liés à cette vaccination.
Ces absences n’entraînent aucune diminution de la rémunération et sont assimilés à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par les salariés au titre de leur ancienneté.
A noter que cette autorisation d’absence était déjà prévue pour les salariés se faisant vacciner par le service de santé au travail.
Quid si le salarié ne présente pas son passe sanitaire ?
Si le salarié n’est pas en mesure de présenter son passe sanitaire et s’il ne choisit pas d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés, ce dernier lui notifie par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail. Cette suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis.
Lorsque la situation se prolonge au‑delà d’une durée équivalente de trois jours travaillés, l’employeur convoque le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation.
A donc été supprimée la disposition initiale qui prévoyait qu’un licenciement pouvait être envisagé au-delà d’une durée cumulée supérieure à 2 mois d’inactivité en raison du non-respect de l’obligation de présenter un passe sanitaire.
Quelles dispositions particulières pour les CDD et les contrats de travail temporaire ?
Le CDD ou le contrat de mission peut être rompu avant l’échéance du terme, à l’initiative de l’employeur, selon les modalités et conditions définies pour le licenciement mentionné à l’article L. 1232‑1 du Code du travail, sans dommages et intérêts. Le salarié devra toutefois percevoir l’indemnité de fin de contrat ou de mission, à l’exclusion de la période de suspension. Si le salarié est protégé, l’accord préalable de l’Inspecteur du travail sera nécessaire.
Quels sont les personnels soumis à l’obligation vaccinale ?
Le projet de loi rend la vaccination obligatoire (sauf contre-indication médicale) pour les professionnels de santé ainsi que ceux travaillant aux côtés de personnes vulnérables (centres gratuits d’information et de dépistage, résidences-services pour personnes âgés ou handicapées, sapeurs-pompiers…).
Les personnels ne pouvant présenter un certificat de vaccination (ou un certificat de rétablissement) à partir du 15 septembre 2021 se voient soumis à la même procédure de suspension du contrat de travail sans rémunération que les salariés soumis à l’obligation de présenter un passe sanitaire. A la différence de ces derniers, le texte prévoit cependant que le salarié conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.
Quel contrôle par l’employeur ?
Les modalités concrètes de la vérification du passe sanitaire par l’employeur ne sont pas précisées. Le texte précise simplement que la présentation des justificatifs peut se faire sous format papier ou numérique et qu’elle est réalisée sous une forme permettant seulement aux personnes ou aux services autorisés à en assurer le contrôle d’en connaître la nature et ne s’accompagne d’une présentation de documents officiels d’identité que lorsque ceux-ci sont exigés par des agents des forces de l’ordre.
Par dérogation, les professionnels des établissements soumis au passe sanitaire peuvent présenter à leur employeur leur justificatif de statut vaccinal sous une forme ne permettant d’identifier que la nature de celui‑ci et l’information selon laquelle le schéma vaccinal de la personne est complet. L’employeur est alors autorisé à conserver, jusqu’au 15 novembre 2021, le résultat de la vérification opérée et à délivrer, le cas échéant, un titre spécifique permettant une vérification simplifiée.
Le CSE doit-il être consulté ?
Dans les entreprises et établissements d’au moins 50 salariés, l’employeur doit informer sans délai et par tout moyen le CSE des mesures de contrôle résultant de la mise en œuvre de contrôle du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale.
L’avis du CSE peut intervenir après que l’employeur a mis en œuvre ces mesures, au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la communication par l’employeur des informations sur lesdites mesures.
Si l’information doit se faire sans délai, la consultation peut ainsi intervenir a posteriori.
Isolement des personnes contaminées
Jusqu’au 15 novembre 2021, les personnes positives à un test Covid-19 devront se placer à l’isolement pendant 10 jours (durée non renouvelable), à compter de la date du test, dans le lieu d’hébergement qu’elles déterminent, sous réserve de la faculté pour le Préfet de s’y opposer.
Cet isolement cessera de s’appliquer avant les 10 jours si la personne fait l’objet d’un nouveau test dont le résultat est négatif.
La personnes soumise à l’isolement ne pourra sortir de son lieu d’hébergement qu’entre 10 heures et 12 heures ainsi qu’en cas d’urgence ou pour effectuer les déplacements strictement indispensables et ne pouvant être réalisés dans cette plage horaire.
Elle pourra saisir le juge des libertés et de la détention pour contester cette mesure, en vue de sa mainlevée ou de son aménagement préalablement refusé par le Préfet. Cet isolement peut faire l’objet d’un contrôle d’agents de la CPAM, sauf entre 10 heures et 12 heures. La personne rompant son isolement risque jusqu’à 3 750 € d’amende et 6 mois de prison en cas de 3 violations.
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Les mesures exposées ci-dessus ne deviendront définitives qu’après la décision du Conseil constitutionnel, lequel pourrait censurer certaines dispositions de la loi.
En toute hypothèse, les difficultés d’application ne manqueront pas de surgir : comment l’employeur pourra-t-il exercer son contrôle sans enfreindre le secret médical et les règles relatives à la protection des données personnelles de santé ? Le salarié qui refuserait de présenter son passe sanitaire pourra-t-il imposer à l’employeur de télétravailler ? La suspension du contrat de travail trouvera-t-elle à s’appliquer au salarié qui ne pourra effectuer ses déplacements habituels en train ou en avion en raison de la non présentation d’un passe sanitaire ?
Toute l’équipe de MggVoltaire se tient à votre disposition pour vous accompagner dans la mise en œuvre de ces dispositions.