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Organiser la reprise (13) : faire face à une alerte du CSE

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Organiser la reprise (13) : faire face à une alerte du CSE

Par Mathieu ROSSEZ, Avocat, MGG Voltaire

 

Même en tentant de veiller à ce que la reprise des salariés se fasse dans des conditions les plus sures possibles et les plus respectueuses des recommandations gouvernementales, le risque de contamination au Covid-19 sera toujours présent et pourrait se matérialiser dans l’entreprise.

Dans ce cadre, indépendamment de l’exercice du droit de retrait qui pourrait être exercé individuellement par chaque salarié, les membres du CSE peuvent également émettre une alerte, notamment au titre du danger grave et imminent.

1.    Emission d’une alerte

Ce droit d’alerte en cas de danger grave et imminent est ouvert aux membres de tous les CSE, y compris ceux des entreprises de moins de 50 salariés (C. trav., art. L. 2312-5, al. 3 et C. trav., art. L. 2312-60). À ce titre, le pouvoir d’alerte appartient à chacun des représentants du personnel au CSE, et non au CSE en lui-même, de sorte que l’expression de l’alerte n’implique aucune réunion préalable de l’instance.

En l’absence d’une définition légale ou règlementaire du « danger grave et imminent », l’administration a eu l’occasion de définir comme grave « tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée ». L’imminence, quant à elle, concerne le « danger susceptible de se réaliser brusquement dans un délai proche » (Circ. DRT n° 93-15, 25 mars 1993).

En dépit de ce contexte d’urgence, le signalement doit, en principe, être obligatoirement consigné par écrit dans un registre spécial aux pages numérotées et authentifiées par le tampon du comité (C. trav., art. L. 4132-2 et C. trav., art. D. 4132-1). Il doit décrire les postes de travail concernés, la nature et la cause du danger, le nom des salariés exposés (C. trav., art. D. 4132-1). Chaque comité doit disposer de son propre registre (Circ. DRT n° 93-15, 25 mars 1993).

Dès l’instant où il reçoit le signalement d’un représentant du personnel au CSE sur un danger grave et imminent, l’employeur doit procéder, sans délai, à une enquête avec ce dernier (C. trav., art. L. 4132-2, al. 2).

À ce stade, l’employeur ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation du bien-fondé de l’alerte ou de la pertinence d’une enquête et doit nécessairement procéder à cette dernière (CA Riom, 23 févr. 2010, n° 09/00595). Il doit, par ailleurs, prendre toutes les mesures conservatoires qui s’imposeraient pour permettre la mise en sécurité des salariés (C. trav., art. L. 4132-5).

2.    Réalisation d’une enquête

L’enquête, qui n’obéit en elle-même à aucun formalisme particulier, doit a priori être menée de manière à définir les mesures permettant d’apurer le danger et de rétablir une situation de travail sans péril.

Le temps consacré par le représentant du personnel à l’enquête et à la recherche de mesures préventives devra être considéré comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel, avec les majorations pour heures supplémentaires le cas échéant, sans s’imputer sur le crédit d’heures de délégation (C. trav., art. L. 2315-11, 1°).

De même, à l’occasion de l’enquête, le représentant du personnel peut naturellement être amené à exposer des frais, qui devront en principe être pris en charge par l’employeur. En effet, la Cour de cassation a jugé, à propos du CHSCT, que l’employeur est tenu de rembourser les frais de déplacement engagés par un représentant auquel il a refusé de fournir un véhicule pour se rendre sur les lieux où lui a été signalée l’existence d’un danger imminent (Cass. soc., 10 oct. 1989, n° 86-44.112).

Au terme de l’enquête, il incombe à l’employeur de prendre les dispositions nécessaires pour remédier à la situation de danger (C. trav., art. L. 4132-2, al. 2).

3.    Traitement de la situation

La plus grande attention doit être apportée aux mesures de traitement de la situation. En effet, le bénéfice de la faute inexcusable est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle alors qu’un représentant du personnel du CSE avait signalé à l’employeur le risque, qui s’est matérialisé (C. trav., art. L. 4131-4).

En tout état de cause, compte-tenu de l’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l’employeur, sa responsabilité pourrait se trouver engagée, en l’absence de réaction ou en cas de réaction insuffisante, indépendamment de la réalisation ou non du risque. C’est ce qu’a rappelé récemment la Cour de cassation s’agissant du signalement d’un harcèlement moral (Cass. soc., 27 nov. 2019, n° 18-10.551).

         

Une fois l’enquête achevée, une divergence d’appréciation peut persister entre l’employeur et le CSE sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser. En ce cas, le CSE doit être réuni d’urgence, dans un délai n’excédant pas 24 heures (C. trav., art. L. 4132-3, al. 1).

L’employeur doit également en informer immédiatement l’inspection du travail et l’agent du service de prévention de la caisse régionale d’assurance maladie, qui peuvent assister à la réunion du CSE (C. trav., art. L. 4132-3, al. 2).

A défaut d’accord entre l’employeur et la majorité du CSE sur les mesures à prendre et leurs conditions d’exécution, l’inspecteur du travail doit être saisi immédiatement par l’employeur (C. trav., art. L. 4132-4). Ce dernier dispose alors de deux possibilités. Il peut soit remettre un rapport au Direccte afin que celui-ci mette en demeure l’employeur de mettre en œuvre toutes les mesures qu’il estime utile (C. trav., art. L. 4721-1), soit saisir le juge des référés (C. trav., art. L. 4732-1).

Dans cette hypothèse, le juge des référés peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser le danger, telles que la mise hors service, l’immobilisation et la saisie des matériels, machines, dispositifs ou produits. Le juge peut également ordonner la fermeture temporaire d’un établissement. L’exécution de ces mesures peut être assortie d’une astreinte au profit du Trésor public.

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