Dans un arrêt du 19 janvier 2023, la Cour d’appel d’Amiens a jugé que le respect de l’obligation de sécurité par l’employeur devait nécessairement s’effectuer « en tenant compte de l’état des connaissances scientifiques en la matière, lesquelles sont publiquement diffusées, notamment par le Haut conseil de la santé publique » et que « sa responsabilité doit s’analyser au regard [du] contexte inédit que [constituait] la période de pandémie » (Amiens, 19 janvier 2023, n°22-00/638).
Pour mémoire, en application de l’article L.4121-1 du Code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, parmi lesquelles la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Compte tenu de la nature des activités de l’établissement, il est également tenu d’évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, notamment dans le choix des équipements de travail, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations, dans l’organisation du travail et dans la définition des postes de travail (C. trav., art. L.4121-3).
En l’espèce, à la suite de sa démission, un salarié a saisi le Conseil de prud’hommes en vue d’obtenir la requalification de sa démission en prise d’acte. À cet égard, il soutenait que l’employeur n’avait pas fourni le matériel de protection nécessaire durant la pandémie de Covid-19, malgré ses demandes, manquant ainsi à son obligation de sécurité.
Après avoir rappelé les termes de l’obligation de sécurité de l’employeur, la Cour d’appel juge que « si l’employeur n’est pas contraint à “garantir un environnement de travail dépourvu de tout risque”, cette obligation de sécurité impose à l’employeur de revoir, au vu des risques et des modes de contamination induits par le virus du covid-19, l’organisation du travail, la gestion des flux, les conditions de travail et les mesures de protection des salariés ». Toutefois, l’appréciation du respect de cette obligation par l’employeur doit s’effectuer en tenant compte de l’état des connaissances scientifiques en la matière, lesquelles sont publiquement diffusées, notamment par le Haut conseil de la santé publique.
La Cour ajoute que la responsabilité de l’employeur « doit s’analyser au regard de ce contexte inédit que constitue la période de pandémie, et il doit ainsi être retenu que, dans les premiers temps de la crise sanitaire, la capacité des employeurs d’adopter des mesures de prévention a été nécessairement affectée par l’absence de dispositifs de protection disponibles, par le fait qu’à cette période les données scientifiques étaient sujettes à discussion et évoluaient extrêmement rapidement s’agissant du Covid-19 et également par le fait que les recommandations fluctuantes du gouvernement avaient alors placé les employeurs dans l’incertitude quant au fait de lutter efficacement contre le risque pandémique. »
En l’espèce, le salarié occupait un poste de livreur au moment de la pandémie, de sorte qu’il avait pu être exposé au Covid-19. Les sociétés de transport étaient, pendant la période de travail du requérant, tenues d’user de masque de type FFP 2 ou FFP3 pour réaliser leurs tâches. Dès le début du mois de mai 2020, l’employeur avait fourni aux salariés des masques et du gel hydroalcoolique, ce qu’elle avait continué de faire par la suite.
En revanche, il était constaté que pendant les mois de mars et avril, période d’état d’urgence, la société n’avait pas pris la moindre disposition de prévention, ne justifiant pas même de consignes données aux salariés.
En conséquence, la Cour juge que l’inexécution partielle de l’obligation caractérise un manquement, lequel doit néanmoins être relativisé au regard des difficultés rencontrées durant les premiers temps de la crise sanitaire. Le salarié a donc été débouté de ses demandes formées à ce titre.