Il résulte des dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et en l’absence de réintégration, « le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur », dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un barème, dit « barème Macron ».
Le texte précise que « pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L. 1234-9 ».
L’indemnité légale de licenciement est donc ignorée dans l’appréciation faite par le juge du préjudice subi par le salarié du fait de la rupture abusive de son contrat de travail. Ce dernier ne peut en effet tenir compte du montant de cette dernière (même très élevé) pour fixer le montant des dommages et intérêts alloués au salarié.
Mais qu’en est-il de l’indemnité versée au salarié en cas de rupture du contrat de travail par adhésion à un Contrat de Sécurisation professionnelle (CSP) ?
Pour rappel, ladite indemnité est prévue par l’article L. 1233-67 du Code du travail, qui prévoit que la rupture du contrat de travail induite par l’adhésion au CSP, qui ne comporte ni préavis, ni indemnité compensatrice de préavis, « ouvre droit à l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement pour motif économique au terme du préavis ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu’aurait été l’indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l’employeur représentatif de cette indemnité mentionné au 10° de l’article L. 1233-68 ».
Cette indemnité peut-elle être prise en compte par le juge afin de revoir à la baisse le montant des dommages et intérêts alloués à un salarié dont le licenciement est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse ?
Non, selon la Cour de cassation, qui a récemment eu à se prononcer dans une espèce dans laquelle une salariée, qui avait fait l’objet d’une mesure de licenciement pour motif économique et adhéré à un CSP, avait postérieurement à la rupture de son contrat de travail contesté le bien-fondé de celle-ci, au motif que l’offre de reclassement qui lui avait été adressée par son employeur ne comprenait pas l’ensemble des mentions obligatoires.
Cette irrégularité étant de nature à rendre dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé, l’employeur avait été condamné à verser à la salariée la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L’employeur a néanmoins contesté ce montant devant la Cour de cassation, arguant de ce que le juge aurait dû, dans l’appréciation faite du préjudice subi par la salariée, tenir compte de la somme de 20.396,04 € perçue par la salariée au titre des indemnités versés sur le fondement de l’article L. 1233-67 du Code du travail afin de réduire le montant des dommages et intérêts alloués.
La Cour de cassation n’a toutefois pas suivi son argument, et jugé que la somme versée au salarié en application de l’article L.1233-67 du Code du travail (à savoir l’indemnité prévue par l’article L.1234-9 du même code) n’a pas à être prise en compte pour le calcul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
« 14. D’abord, aux termes de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous, qui est pour un salarié ayant 30 ans et au-delà d’ancienneté dans l’entreprise, comme le cas de la salariée, une indemnité minimale de 3 mois et maximale de 20 mois de salaire brut. Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité de licenciement mentionnée à l’article L. 1234-9.
15. Selon l’article L. 1233-67 du code du travail, la rupture du contrat de travail résultant de l’adhésion au CSP, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis ouvre droit à l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement pour motif économique au terme du préavis ainsi que, le cas échéant, au solde de ce qu’aurait été l’indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l’employeur représentatif de cette indemnité mentionné au 10° de l’article L. 1233-68.
16. Il en résulte que la somme versée au salarié en application de l’article L.1233-67 du code du travail au titre de l’indemnité prévue par l’article L.1234-9 du même code, n’a pas à être prise en compte pour le calcul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ».
https://www.courdecassation.fr/decision/6718920ed8ceca1cd7018c92