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Les titres-restaurants : une activité sociale et culturelle ?

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Aux termes d’un jugement rendu le 10 mars 2023, le Tribunal judiciaire de Nanterre a jugé que les titres-restaurants émis au bénéfice des salariés d’une société peuvent, dans certaines circonstances, être regardés comme participant aux activités sociales et culturelles mises en place au sein de l’entreprise.

 

Dans l’espèce ayant donné lieu à cette décision, l’employeur, qui disposait pourtant d’un restaurant d’entreprise, faisait bénéficier à ses salariés de titres-restaurants en application d’un usage. Cet usage ayant néanmoins été dénoncé, le comité social et économique (CSE) a souhaité reprendre à sa charge la gestion des prestations de restauration proposées aux salariés, dont l’émission de titres-restaurants.

 

Pour s’opposer à cette demande, l’employeur faisait valoir que « l’émission des titres-restaurants ne peut être regardée comme une ASC dès lors qu’elle n’est pas listée comme telle par le Code du travail et qu’elle est parfois obligatoire ».

 

Son argumentaire n’a toutefois pas été retenu par le juge, qui a notamment fait application des dispositions de l’article R. 2312-35 du Code du travail. 

 

Selon ce texte, les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise au bénéfice des salariés ou anciens salariés de l’entreprise et de leur famille comprennent notamment, « les activités sociales et culturelles tendant à l’amélioration des conditions de bien être, telles que les cantines, les coopératives de consommation, les logements, les jardins familiaux, les crèches, les colonies de vacances ».

 

Cette liste n’étant néanmoins pas exhaustive, toute prestation tendant à l’amélioration des conditions de bien-être des salariés peut en pratique revêtir la qualification d’activité sociale et culturelle.

 

Or, selon le Tribunal, tel est le cas de l’émission de titres-restaurants « en dehors de toute obligation de l’employeur d’indemniser les salariés de leurs frais professionnels ».

 

Pour rappel, l’employeur doit offrir à ses salariés la possibilité de se restaurer dans un espace dédié sur leur lieu de travail. Lorsque cela n’est pas possible, il peut opter pour l’attribution de titres-restaurants destinés à couvrir les frais de repas engagés.

 

Dans une telle hypothèse, l’émission de titres-restaurants ne peut revêtir la qualification d’activité sociale et culturelle :

 

« Lorsque les titres-restaurants sont remis aux salariés en considération des frais qu’ils exposent pour les besoins de leur activité professionnelle, et notamment pour couvrir tout ou partie des frais de restauration qu’ils engagent en l’absence de restaurant d’entreprise, leur émission constitue une obligation pour l’employeur. Ils doivent alors être considérés comme un avantage en nature participant de la rémunération du salarié et ne peuvent dès lors, étant la contrepartie du travail effectué, être regardés comme une ASC ».  

 

La solution peut-elle être différente « lorsque les titres-restaurants sont remis aux salariés en dehors de toute obligation de l’employeur de les indemniser de leurs frais professionnels » ? Selon le Tribunal, « ils ne peuvent être regardés comme la contrepartie du travail effectué et doivent ainsi être considérés comme participant de l’amélioration des conditions de bien-être au travail et, partant, des activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise ».

 

En l’espèce, les titres-restaurants avaient été émis au bénéfice des salariés qui disposaient pourtant d’un restaurant d’entreprise. Ce faisant, ils devaient, selon le juge, « être regardés comme participant des activités sociales et culturelles mises en place au sein de l’entreprise ».

 

Cette qualification, si elle devait être confirmée (ce qui ne va pas de soi), ne serait pas sans conséquence. En effet, dès lors que les titres-restaurants ont la nature d’une activité sociale et culturelle, le CSE serait en droit de solliciter de l’employeur le budget consacré à leur financement (en particulier, comme c’était le cas en l’espèce) dans l’hypothèse où l’employeur souhaiterait supprimer cet avantage facultatif.

 

Toutefois, hormis cette hypothèse de remise en cause, faut-il s’attendre à une multiplication de revendications identiques de la part des CSE ? Il est permis d’en douter.

 

En effet, outre qu’il est toujours compliqué pour une instance élective de gérer ce type d’activité, resterait aussi en suspens la question du régime social et fiscal spécifique des titres-restaurants (étant précisé que ces arguments semblent ne pas avoir été débattus devant le juge de Nanterre).

 

Car si le CSE récupère la gestion de cette activité et pas uniquement le budget afférent (ce qui est techniquement faisable, l’article L. 3262-1 du Code du travail indiquant que les titres restaurant sont émis soit par l’employeur ou « par l’intermédiaire du CSE »), les salariés seraient-ils en droit de bénéficier de l’exonération fiscale prévue par l’article L. 3262-6 du Code du travail qui vise la contribution de « l’employeur » ? Idem pour les exonérations sociales, dans la mesure où le Code la sécurité sociale évoque « Les sommes consacrées par les employeurs pour l’acquisition de titres-restaurant ». Rien n’est moins sûr.

 

Enfin, se poserait également la capacité du CSE à faire respecter la réglementation applicable qui lui imposerait de connaître les horaires, jours et lieu de travail des salariés.

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