Dans un arrêt en date du 18 janvier 2023, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’appréciation du critère lié aux qualités professionnelles dans le cadre d’un licenciement pour motif économique.
En l’espèce, une salariée, licenciée pour motif économique, a saisi la juridiction prud’homale en contestation de cette mesure de licenciement.
La Cour d’appel a fait droit aux demandes de la salariée en relevant notamment que l’employeur n’avait pas appliqué loyalement les critères d’ordre de licenciement, puisque :
- s’il peut privilégier l’un des critères retenus pour déterminer l’ordre des licenciements et les pondérer, il doit tenir compte de chacun d’entre eux. Or, en l’espèce, l’employeur ne démontrait pas en quoi « la distinction opérée selon l’âge des enfants est pertinente et objectivement justifiée quant à la charge réelle des enfants eu égard à leur âge » ;
- seul l’employeur est en capacité de juger les qualités professionnelles des salariés et les critères d’appréciation de ces qualités afin d’établir l’ordre des licenciements, sauf détournement de pouvoir ou erreur manifeste, mais il doit communiquer au juge les données objectives, précises et vérifiables sur lesquelles il s’est appuyé pour arrêter cet ordre.
Contestant cet arrêt, l’employeur a formé un pourvoi en cassation en avançant les arguments suivants :
- son appréciation de la distinction selon l’âge des enfants reposait sur des données objectives, précises et vérifiables ;
- la Cour d’appel aurait dû rechercher si l’employeur n’était pas fondé à conserver l’une des salariées plutôt qu’une autre au regard de ses qualités professionnelles, de son niveau de diplôme et de ses capacités linguistiques.
Ces développements ne sont pas suivis par la Haute juridiction qui énonce :
« 5. Si le juge ne peut, pour la mise en œuvre de l’ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l’employeur, il lui appartient, en cas de contestation, de vérifier que l’appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir.
6. Il appartient à l’employeur de communiquer au juge, en cas de contestation, les éléments objectifs sur lesquels il s’est appuyé pour arrêter son choix.
7. La cour d’appel a relevé que pour l’appréciation du critère professionnel, la salariée avait été notée en fonction du niveau de diplôme et non sur ses qualités professionnelles, alors que, l’intéressée et sa collègue disposant toutes deux d’une expérience équivalente, cet élément ne permettait pas de déterminer objectivement laquelle des deux salariées était la plus apte à occuper le seul poste restant du service administratif, le motif invoqué par l’employeur selon lequel il avait intérêt à conserver une linguiste espagnole dans un établissement agricole n’étant pas pertinent. Par ces seuls motifs, dont il résultait une application inégalitaire et déloyale des critères d’ordre relatifs à l’ordre des licenciements, elle a légalement justifié sa décision ».
Il convient donc de pouvoir justifier, à tout moment, des éléments objectifs ayant conduit à la décision de la société et, plus généralement, à l’établissement des critères d’ordre. L’évaluation des salariés sur le critère du diplôme et non sur celui lié aux qualités professionnelles est insuffisante pour déterminer quel salarié est le plus apte à occuper le poste.