Par une décision du 19 janvier 2022 (n°20-14.014), la Cour de cassation s’est prononcée sur la validité d’une sanction disciplinaire prise après le refus opposé par un salarié d’une mutation par application de sa clause de mobilité géographique contractuelle, celui-ci soutenant que cette mesure aurait été prise en tenant compte de ses convictions religieuses et serait à ce titre nulle.
En l’espèce, l’employeur, exerçant une activité de nettoyage, a présenté une première mutation à son salarié, Chef d’équipe, par application de la clause de mobilité géographique contractuelle, qu’il a refusée.
L’employeur lui a alors présenté une seconde mutation sur un autre site de la Société, plus précisément dans un cimetière, que le salarié a de nouveau refusée en invoquant une incompatibilité d’horaires avec ses autres fonctions professionnelles. Malgré la modification de la répartition des horaires de travail proposée par l’employeur, le salarié a refusé à nouveau cette mutation, en invoquant ses convictions religieuses hindouistes qui l’empêchaient de travailler dans un cimetière.
Dans ces conditions, l’employeur l’a convoqué à un entretien préalable, puis lui a notifié une mutation disciplinaire sur un autre site. Le salarié, refusant de se conformer à cette sanction disciplinaire, s’est alors vu notifier son licenciement pour faute.
Ce dernier a saisi le Conseil de prud’hommes et a sollicité la nullité de la mutation disciplinaire et du licenciement, en soutenant que ces mesures disciplinaires avaient été prises sur la base de ses convictions religieuses et étaient donc discriminatoires.
La Cour d’appel, après avoir jugé que la clause de mobilité géographique avait été mise en œuvre dans l’intérêt de l’entreprise et en tenant compte des contraintes horaires du salarié, a annulé la mutation disciplinaire et a jugé que le licenciement consécutif était nul.
A cet égard, les juges du fond ont considéré que « les faits laissant supposer l’existence d’une discrimination sont établis, puisque le salarié a été muté disciplinairement pour avoir refusé de rejoindre le poste sur lequel il était affecté alors qu’il justifiait son refus par l’exercice de ses convictions religieuses » et que l’employeur « échoue à démontrer que la sanction prononcée était étrangère à toute discrimination ».
Dans son arrêt du 19 janvier 2022, la Cour de Cassation après avoir rappelé que les restrictions à la liberté religieuse devaient être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle, correspondant à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle, au sens de la jurisprudence de la CJUE, et proportionnée au but recherché, a cassé la décision des juges d’appel.
Plus précisément, la Haute Juridiction a relevé que la mutation présentée au salarié sur le fondement de sa clause de mobilité contractuelle était proportionnée au but recherché de cette mesure, qui était de permettre le maintien de la relation de travail avec le salarié par son affectation sur un autre site, de sorte qu’aucune discrimination directe injustifiée, fondée sur les convictions religieuses du salarié, n’était caractérisée.
Cette décision se situe dans le prolongement de la jurisprudence nationale et européenne qui considère que l’employeur peut restreindre la liberté religieuse de ses salariés sans que celle-ci ne constitue une discrimination, dès lors que la mesure est justifiée, répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et soit proportionnée au but recherché.