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La preuve par vidéosurveillance : possible mais à quelles conditions ?

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Par un arrêt en date du 8 mars 2023 (n°21-17.802), la Cour de cassation précise dans quelle mesure la preuve par vidéosurveillance est recevable.

 

En l’espèce, une salariée a été engagée en 2007 en qualité de prothésiste ongulaire, puis licenciée pour faute grave le 12 août 2013 pour détournements de fonds et soustractions frauduleuses, licenciement qu’elle a contesté.

 

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 8 avril 2021, a considéré que certaines des pièces de l’employeur étaient inopposables à la salariée en particulier les pièces issues de la vidéosurveillance, dont l’utilisation avait porté atteinte au caractère équitable de la procédure, dans la mesure où l’employeur disposait d’autres moyens susceptibles de révéler les irrégularités reprochées à la salariée. Elle a également estimé que ce dispositif portait une atteinte disproportionnée à la vie privée des salariés, avant de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en tirer les conséquences pécuniaires afférentes.

 

L’employeur a contesté cet arrêt en avançant les deux arguments suivants, au visa des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :

 

–       L’illicéité d’un moyen de preuve n’entrainait pas, de facto, son rejet des débats. Les juges devaient mettre en balance le droit au respect de la vie privée et le droit à la preuve et pouvaient autoriser la production d’un document dès lors que celui-ci était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et ne portait pas une atteinte disproportionnée au but poursuivi.

 

Or, selon lui, la Cour d’appel ne pouvait déclarer les preuves issues de la vidéosurveillance irrecevables dès lors qu’elle avait écarté les autres moyens de preuve fournis par l’employeur en soulignant leur insuffisance à démontrer les griefs reprochés à la salariée.

 

–       Il pouvait placer sous vidéosurveillance le magasin dans lequel la salariée travaillait dans un but de sécurité des personnes et des biens, de sorte que l’atteinte à la vie privée était justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

 

Ainsi, la Cour d’appel ne pouvait écarter ce moyen de preuve en omettant de vérifier si l’installation du dispositif permettait de protéger les salariés et prévenir les atteintes aux biens, compte tenu du nombre important de vols ayant déjà eu lieu.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’employeur en rappelant la procédure applicable aux preuves illicites : « 6. En présence d’une preuve illicite, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi ».

 

Ainsi, elle considère que :

–       Dans un premier temps, la Cour d’appel a constaté que l’employeur n’avait informé la salariée ni des finalités du dispositif de vidéosurveillance, ni de la base juridique qui le justifiait et n’avait pas obtenu d’autorisation préfectorale préalable, en contradiction avec, respectivement, l’article 32 de la loi du 10 janvier 1978, la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 et les articles L. 223-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. Dans ces conditions, les enregistrements constituaient un moyen de preuve de preuve illicite.

–       Dans un second temps, tout comme avant elle la Cour d’appel, la Haute juridiction établissait l’existence, pour l’employeur, d’autres moyens de preuve non versés aux débats et qui auraient permis d’aboutir à la même fin, en l’occurrence un audit mis en place quelques mois auparavant et qui avait mis en évidence un certain nombre d’irrégularités.

 

Compte tenu de cette position sévère de la Cour de cassation, il convient d’être vigilants en cas de recours à la preuve par vidéosurveillance. Dans ce cas et dans la mesure du possible, il faut veiller à se ménager des éléments de preuve complémentaires. 

https://www.courdecassation.fr/decision/64085bcc66b1bafb02f11fae?judilibre_juridiction=cc&sort=date-desc&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=1

 

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