Dans un arrêt en date du 23 novembre dernier, la Cour de cassation s’est prononcée sur la modification du contrat de travail intervenue dans le cadre d’un projet de réorganisation ayant donné lieu à l’élaboration d’un accord collectif portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
En l’espèce, une salariée avait été engagée le 22 juin 1998 par la société dans laquelle un projet de réorganisation donnant lieu à un PSE contenu dans un accord collectif majoritaire avait été signé le 20 novembre 2013, validé par le Directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France le 2 janvier 2014.
C’est dans ce cadre que l’employeur avait proposé à la salariée une modification de son contrat de travail, par lettre en date du 7 janvier 2014.
La salariée étant restée silencieuse, la Société lui avait notifié, le 12 février 2014, l’entrée en vigueur de l’avenant au 1er juillet 2014.
En parallèle, un recours avait été introduit devant la Cour administrative d’appel en annulation de la décision de validation de l’accord, au motif qu’il n’était pas majoritaire. La Cour avait fait droit à cette demande et les pourvois formés contre cet arrêt avaient ensuite été rejetés par le Conseil d’Etat, par décision du 22 juillet 2015.
C’est dans ce contexte que la salariée saisissait la juridiction prud’homale pour obtenir la nullité de l’avenant et prétendait avoir été victime d’une discrimination.
Par jugement de départage du 18 janvier 2019, le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt avait considéré, outre l’absence de prescription de l’action entreprise par la salariée, que l’avenant susvisé était nul et avait fait droit à ses demandes à ce titre.
Contestant cette décision, la Société avait interjeté appel devant la Cour d’appel de Versailles, laquelle avait infirmé le jugement de départage sur ce point.
En formant son pourvoi en cassation, la salariée faisait valoir que :
- le prononcé de la nullité du plan de sauvegarde de l’emploi entraînait celle des actes subséquents dont notamment l’avenant de modification pour motif économique du contrat de travail et ce, même si l’article L. 1222-6 du Code du travail ne conditionne pas la modification du contrat de travail pour motif économique à la mise en œuvre d’un PSE ;
- il existait un lien juridique entre l’avenant proposé et le PSE, contrairement à ce qu’avait retenu la Cour d’appel, et la modification du contrat de travail avait pour origine non le PSE, mais la réorganisation de l’entreprise ;
- son consentement avait été vicié puisque donné sous la menace d’un licenciement.
La Haute juridiction rejette le pourvoi ainsi formé en rappelant, dans un premier temps, la procédure applicable aux modifications de contrats de travail pour motif économique :
- 1. L’employeur doit faire la proposition au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception en lui précisant qu’il dispose d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. A défaut de réponse dans ce délai, son silence vaut acceptation.
- 2. Lorsque dix salariés ou plus refusent la modification d’un élément essentiel du contrat de travail, proposée pour motif économique, et que leur licenciement est envisagé, ce dernier doit respecter les prescriptions applicables aux licenciements collectifs pour motif économique.
C’est dans un second temps que la Cour de cassation en tire les conclusions afférentes :
- 3. Lorsque l’accord collectif déterminant le PSE n’est pas valide en raison de la décision d’annulation du juge administratif, le juge judiciaire peut décider d’écarter l’application des clauses de cet accord.
- 4. La modification du contrat de travail intervenue pour motif économique ne constitue pas un acte subséquent de l’accord collectif portant PSE, de sorte que les salariés ayant tacitement accepté cette modification ne peuvent invoquer le défaut de validité de cet accord pour obtenir la nullité de leur contrat de travail.
- 5. Dans la mesure où l’employeur a informé la salariée des conséquences d’un éventuel refus de la proposition de modification de son contrat de travail et de la négociation et la validation de l’accord, aucun vice du consentement ne peut être retenu.
https://www.courdecassation.fr/decision/637dcb4414982305d4c204ca