Le principe de loyauté doit présider tout type de négociation. Il implique notamment de convier toutes les organisations syndicales représentatives autour de la table, sans possibilité de tenir des rencontres bilatérales et/ou des négociations séparées.
C’est précisément sur ce fondement que la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 4 juillet 2024, a confirmé l’annulation d’un accord de performance collective.
En l’espèce, l’employeur avait deux interlocuteurs : la CGT et l’Unsa.
En fin de négociations, l’employeur avait envoyé un courriel au seul syndicat Unsa en lui demandant de « finaliser l’accord » et en indiquant connaître la position de la CGT qui, selon lui, ne signerait pas.
Trois jours plus tard, il a envoyé à l’Unsa dans un courriel faisant « suite à leurs échanges » la dernière version de l’accord.
Lors d’une séance conclusive, en présence seulement de l’Unsa, cette dernière a signé l’accord.
La Direction a tenté de régulariser la situation en organisant 15 jours après la signature de l’accord par l’Unsa une nouvelle réunion de négociation avec les deux organisations syndicales représentatives.
La CGT a toutefois engagé une action en justice pour faire annuler l’accord, faisant valoir qu’elle n’avait pas été informée des modifications apportées au projet, ni même conviée à la dernière réunion de négociation de sorte que l’employeur avait manqué à son obligation de loyauté.
Le Tribunal judiciaire de Paris a donné raison à la CGT par décision du 19 juin 2023, confirmée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 4 juillet 2024 aux termes duquel il a notamment été jugé :
« qu’aucune pièce ne permet d’établir que la CGT avait indiqué qu’elle refuserait de signer l’accord en instance de finalisation, et en tout état de cause, qu’elle avait notifié à la direction sa volonté de ne pas être associée aux discussions de parachèvement et de ne pas être convoquée aux réunions ayant pour objet la finalisation et/ou la signature de l’accord.
Dès lors, l’existence de rencontres bilatérales et de négociations séparées, quel que soit le volume des modifications et/ou ajouts figurant dans la « nouvelle mouture », ont mis la CGT devant le fait accompli de la signature de l’accord de performance collective en date du 14 février 2022 auquel elle n’avait pas été conviée, ce qui caractérise la déloyauté dans la conduite des négociations et qui vicie ce dernier et entraîne sa nullité.
Ainsi, il ne peut être considéré, tout comme le premier juge l’a retenu, qu’en procédant à la réouverture des négociations lors de la réunion du 28 février 2022 avec la CGT et l’UNSA suivies de la signature aux côtés de l’UNSA d’un accord de performance collective comportant quelques aménagements proposés par la CGT, la direction a régularisé la situation au regard du principe de loyauté, alors que les manquements commis qui ont abouti à l’ « Accord de performance 14/02/2022 » signé avant la réunion du CSE du 14 février 2022 ont invalidé le processus de négociation qui a abouti à l’« Accord de performance 14/02/2022 » signé le 28 février 2022.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il annulé l’accord de performance collective »
CA Paris, pôle 6, Ch 2, 4 juillet 2024 n°23/12256