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La diffusion par une organisation syndicale d’un tract faisant mention d’informations confidentielles peut ne pas constituer un trouble illicite

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Par une ordonnance de référé du 1er juin 2021 (RG 21/54080), le Tribunal Judiciaire de Paris a considéré que la communication par un délégué syndical, d’un tract qui contenait des informations confidentielles transmises par l’employeur, ne constituait pas un trouble illicite justifiant son retrait et ne portait pas atteinte à l’intérêt de l’entreprise.

Dans cette affaire, l’employeur sollicitait du juge des référés le retrait, sous astreinte, du tract diffusé par un syndicat, faisant mention d’informations confidentielles en méconnaissance de son obligation de discrétion, et dont la divulgation portait atteinte aux intérêts de l’entreprise.

A titre reconventionnelle, le syndicat concernant reprochait à la Société de ne pas avoir respecté les dispositions de l’accord d’entreprise relatif au dialogue social, qui prévoyait l’envoi d’un courriel aux salariés afin de les informer de la diffusion d’un tract sur l’intranet. A ce titre, le syndicat sollicitait du Tribunal d’enjoindre à l’employeur de procéder à cette information aux salariés, sous astreinte, outre sa condamnation à des dommages et intérêts.

Au soutien de ses demandes, la Société considérait que la diffusion par le syndicat d’un tract, qui comportait des informations confidentielles remises lors d’une réunion des organisations syndicales dans le cadre des négociations annuelles obligatoires, entravait une atteinte à la loyauté des échanges dans le cadre du dialogue social, dès lors que l’organisation syndicale avait outrepassé la mention « A l’attention des délégués syndicaux uniquement. Confidentiel – ne pas diffuser sans autorisation » apposée sur les documents qui leur avaient été transmis.

En second lieu, la Société soutenait que la divulgation d’informations relatives aux rémunérations des salariés de l’entreprise portait atteinte à leur droit au respect à la vie privée et à la confidentialité de leur rémunération.

En dernier lieu, la Société estimait que la diffusion de ce tract par les canaux numériques rendait possible sa diffusion à l’extérieur de l’entreprise, et qu’ainsi les entreprises concurrentes étaient en mesure de débaucher certains salariés en leur proposant une rémunération supérieure.

Pour sa part, le syndicat rappelait que la diffusion de ce tract était uniquement destinée à aider les salariés dans le cadre de la négociation de leur revalorisation salariale, dès lors que l’employeur avait exclu toute augmentation collective. L’organisation syndicale rappelait également qu’elle n’avait jamais diffusé les tracts à l’extérieur de l’entreprise, et qu’aucune atteinte aux intérêts de l’entreprise n’était caractérisée.

Le Tribunal Judiciaire de Paris rappelle, dans son ordonnance du 1er juin 2021, que le contenu des tracts syndicaux est déterminé librement par les organisations syndicales, sous réserve des dispositions relatives au droit de la presse. Il juge que si les informations transmises aux élus par le biais de la BDES ont un caractère confidentiel, pour lesquelles les élus sont tenus à une obligation de discrétion, tel n’est pas le cas des informations et documents transmis aux seuls délégués syndicaux, de sorte qu’ils sont en mesure de les utiliser dans le cadre de leurs communications sans qu’il ne s’agisse d’un manquement à leurs obligations.

Le Tribunal considère également que les documents transmis n’acquièrent de caractère « confidentiel », qu’à la condition que leur diffusion serait susceptible de nuire aux intérêts de l’entreprise. Or, dans le cas d’espèce, si les documents transmis par l’employeur comportent la mention « confidentielle », il ne démontre pas en quoi leur diffusion porterait atteinte à l’intérêt de l’entreprise, dès lors que les grilles de salaires retraçaient les rémunérations minimales, moyennes, médianes et maximales par coefficient, et ne permettaient pas d’identifier les rémunérations individuelles des salariés. De même, l’atteinte à l’intérêt de l’entreprise ne saurait être caractérisée par la connaissance de la politique de rémunération par les concurrents, dès lors qu’il n’est pas démontré que ces tracts aient été diffusés à l’extérieur.

Le Tribunal Judiciaire de Paris déboute donc l’employeur de ses demandes, eu égard à l’absence de trouble illicite et d’atteinte à l’intérêt de l’entreprise.

Par ailleurs, le Tribunal, constatant que l’employeur n’a pas adressé de courriel aux salariés pour les informer de la mise en ligne d’un nouveau tract syndical, en méconnaissance des dispositions conventionnelles de l’entreprise, et malgré l’envoi de trois courriels par le syndicat en cause, a fait droit à la demande de ce dernier en ordonnant cette notification sous astreinte, outre l’octroi de dommages et intérêts. 

L’ordonnance ainsi rendue est susceptible de faire l’objet d’un recours.

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