Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les entreprises de travail temporaires (ETT) peuvent conclure avec un salarié un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) pour l’exécution de missions successives.
Ainsi, un salarié sous CDI intérimaire est un salarié embauché et rémunéré par une ETT qui le met à la disposition d’une entreprise utilisatrice pour une durée limitée, dénommée mission. Le CDI intérimaire doit prévoir le versement d’une rémunération mensuelle minimale garantie au moins égale au produit du Smic, par le nombre d’heures correspondant à la durée légale hebdomadaire pour le mois considéré, compte tenu des rémunérations versées au cours de cette période.
Compte tenu de la nature « hybride » de ce contrat, certaines dispositions prévues pour le travail temporaire « classique» ne sont pas applicables aux salariés sous CDI intérimaire.
Tel est notamment le cas des dispositions relatives :
à la période d’essai du contrat de mission ;
au versement de l’indemnité compensatrice de congés payés après chaque mission effectuée ;
au versement de l’indemnité de fin de mission ;
à la rupture anticipée du contrat de mission (le CDI intérimaire relève en effet des règles de droit commun du licenciement) ;
Au délai de carence entre deux missions successives sur le même poste de travail.
Pour l’entreprise utilisatrice, le recours à un salarié sous CDI intérimaire permet donc des missions plus longues et sans délai de carence sur le même poste.
Certaines règles propres au contrat de mission restent toutefois applicables au CDI intérimaire. En particulier, la conclusion d’un contrat de mission avec une entreprise utilisatrice doit répondre aux cas de recours autorisés par le Code du travail, et la mission du salarié en CDI intérimaire ne doit pas avoir pour objet de pourvoir durablement, dans l’entreprise utilisatrice, un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. A défaut, en application de l’article L. 1251-40 du code du travail, le salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice la requalification de son contrat de mission en CDI.
Récemment, la Cour de cassation en a déduit que « lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en violation des dispositions visées par l’article L. 1251-40, le salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière, y compris lorsqu’il a conclu avec l’entreprise de travail temporaire un contrat à durée indéterminée intérimaire » (Cass. soc., 7 févr. 2024, n° 22-20.258).
Elle n’a ainsi pas suivi l’argumentation de l’entreprise utilisatrice selon laquelle la requalification était exclue, dans la mesure où un salarié intérimaire ne pouvait pas être lié, pour une même prestation de travail, par deux CDI distincts.
Le fait que le salarié intérimaire ait conclu un CDI intérimaire avec l’ETT ne le prive donc pas de la possibilité d’exercer une action en requalification en CDI auprès de l’entreprise utilisatrice.
En conséquence de la requalification, la Cour de cassation a par ailleurs jugé que « nonobstant l’existence d’un contrat à durée indéterminée intérimaire, la rupture des relations contractuelles à l’expiration d’une mission à l’initiative de l’entreprise utilisatrice s’analyse, si le contrat est requalifié à son égard en contrat à durée indéterminée, en un licenciement qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture » (Cass. soc., 7 févr. 2024, n° 22-20.258).
En l’espèce, l’entreprise utilisatrice, qui avait eu recours au contrat de mission pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise, avait mis fin aux relations contractuelles sans respecter la procédure de licenciement. Elle a donc été condamnée à verser au salarié des indemnités compensatrices de congés payés et de préavis, une indemnité de licenciement, ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Cass. soc., 7 févr. 2024, n° 22-20.258