Pour la première fois, à notre connaissance, la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 mars 2024 (n°22-18.758), a dû apprécier la portée de l’article L. 12226-2-1 du Code du travail (lorsque les recherches de reclassement s’avèrent infructueuses), lorsque l’employeur a pourtant proposé un poste de reclassement au salarié conforme aux préconisations du médecin du travail.
Dans cette espèce, à l’issue d’un arrêt maladie, le médecin du travail a déclaré inapte la salariée à son poste de travail et à tout poste à temps complet, demandant la possibilité d’un poste à mi-temps sans station debout prolongée ni manutention manuelle de charges.
Après avoir interrogé les représentants du personnel sur une proposition de reclassement, l’employeur a adressé cette proposition de reclassement, consistant à un poste de caissière à mi-temps, validé par le médecin du travail, et informé la salariée du montant de son nouveau salaire.
Au regard de la perte de salaire, la salariée a refusé cette proposition de reclassement et l’employeur a procédé à son licenciement pour inaptitude.
La salariée a contesté son licenciement et obtenu gain de cause devant la Cour d’appel, laquelle a retenu notamment que la proposition de poste à temps partiel impliquait une diminution substantielle de la rémunération de la salariée et partant, que cette dernière pouvait donc refuser le poste proposé.
La Cour a adopté le raisonnement suivant :
« Le refus légitime opposé par le salarié au poste proposé ne libère pas l’employeur de son obligation de reclassement, celui-ci devant proposer d’autres offres de reclassement, ou établir qu’il ne dispose d’aucun poste compatible avec l’inaptitude du salarié, conformément aux dispositions de l’article L. 1226-2 du code du travail. »
La Société ne justifiait d’aucune autre recherche de reclassement, au besoin par des mesures de mutation, transformation de poste ou aménagement du temps de travail, et ne fournissait aucun document, tel que le registre du personnel, permettant de connaître les effectifs de l’entreprise, la nature des postes et l’existence éventuelle de postes disponibles.
Ce faisant, la Cour en a conclu au non-respect de l’obligation de reclassement par la Société, de sorte que le licenciement de la salariée fondé sur son inaptitude et impossibilité de la reclasser se trouvait privé de cause réelle et sérieuse.
Décision a priori logique, dans la mesure où avant que l’article L. 1226-2-1 du Code du travail ne soit introduit par la loi Travail (n° 2016-1088 du 8 août 2016), la Cour de cassation jugeait de manière constante que l’employeur ne pouvait pas procéder au licenciement du salarié pour impossibilité de reclassement que si toutes les possibilités de reclassement avaient été épuisées.
En cas de refus par le salarié d’un poste de reclassement, y compris si celui-ci induisait un simple changement des conditions de travail de l’intéressé, l’employeur devait lui proposer les autres postes, le cas échéant disponibles avant d’envisager de le licencier.
Or, compte tenu de la rédaction de ce « nouvel » alinéa 2 de l’article L. 1226-2-1 du Code du travail, il était permis de penser que si l’employeur proposait un emploi approprié aux capacités du salarié et conforme aux préconisations du médecin du travail, il aurait alors respecté son obligation de reclassement :
« L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. »
Dans ce cas, si le salarié refusait cette offre, l’employeur pourrait ainsi engager la procédure de licenciement.
La Cour de cassation a justement eu l’occasion de se prononcer sur cette question et y a répondu par l’affirmative :
« 12. La cour d’appel en a déduit que la proposition de poste d’une durée de 17h30 avec maintien du taux horaire initial implique de facto une diminution substantielle de la rémunération de l’intéressée, engagée à temps complet, et que la salariée pouvait par conséquent légitimement refuser le poste proposé, entraînant, par la baisse de rémunération qu’il générait, une modification de son contrat de travail.
13. En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations que l’employeur avait proposé à la salariée un poste conforme aux préconisations du médecin du travail et que celle-ci l’avait refusé, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
https://www.courdecassation.fr/decision/65f1500628057200093c3e8b