Pour mémoire, en application des dispositions de l’article 121-2 du Code pénal, une personne morale ne peut être déclarée pénalement responsable que s’il est établi :
- qu’une infraction a été commise par l’un de ses organes ou représentants,
- et que cette infraction l’a été pour son compte.
Telle est la position désormais constante de la Cour de cassation (exemple : Cass. crim. 17 octobre 2017, n°16-87249).
Des juridictions, y compris la Haute juridiction, tentent cependant de passer outre dans certains hypothèses, notamment en retenant la condamnation de personnes morales sans pour autant identifier précisément l’organe ou le représentant ayant commis l’infraction reprochée.
Tel est le cas dans l’arrêt rendu le 17 octobre dernier par la Cour de cassation :
« (…) 12. Pour identifier l’organe ou le représentant ayant agi pour le compte de la société prévenue dont les actes sont de nature à engager la responsabilité pénale de celle-ci, l’arrêt attaqué énonce notamment que, dans l’arrêt rendu le 22 mai 2017 par la cour d’appel de Paris, statuant dans une autre formation, à l’égard de la même société prévenue, il est mentionné que M. [E] [M] représentait en 2009 l’entreprise qu’il dirige sans avoir consenti de délégation de pouvoirs.
13. Les juges relèvent que l’intéressé a refusé d’être entendu, n’a pas répondu aux convocations d’enquête et s’est abstenu de comparaître devant la cour.
14. Ils observent que cette attitude est une constante de la société qui se soustrait à l’identification de son représentant légal.
15. Ils en déduisent la volonté délibérée de la société [5] d’empêcher l’identification de son représentant en rendant occulte le véritable décideur, ce qui caractérise la fraude.
16. Ils concluent que la responsabilité pénale de la personne morale est suffisamment recherchée, malgré les manœuvres précitées de soustraction, qui font obstacle à ce que la société [5] invoque sa propre turpitude pour échapper aux poursuites.
17. En se déterminant par ces seuls motifs, desquels il résulte que M. [M], dirigeant de la société [5], qui n’a pas allégué avoir consenti une délégation de pouvoirs, avait la qualité d’organe ou de représentant de la personne morale ayant agi pour son compte, la cour d’appel, qui s’est déterminée sur la base d’éléments de preuve versés au débat qu’elle a souverainement appréciés, a justifié sa décision.
18. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, en ce qu’il critique des motifs surabondants, doit dès lors être écarté (…) » (Cass. crim. 17 octobre 2023, n°22-84021).
Cette solution semble s’expliquer davantage par le contexte de cette affaire et en particulier le comportement du dirigeant de la société concernée qui a usé de différentes « manœuvres » pour se soustraire à toute acte d’enquête et de poursuite, et ne saurait donc constituer une remise en cause de la jurisprudence désormais constante portant sur la nécessité d’identifier l’organe ou le représentant ayant commis l’infraction recherchée pour retenir le cas échéant la responsabilité pénale de la personne morale mise en cause.