Dans un arrêt du 6 septembre 2023 (n°22-12.418), la Cour de cassation revient sur les conditions permettant d’utiliser la géolocalisation comme mode de preuve au soutien de faits disciplinaires reprochés à un salarié
Dans cette espèce, un salarié a été engagé le 4 mars 2014, en qualité de Chauffeur Livreur et a été licencié pour faute grave un peu plus d’un an plus tard, le 3 septembre 2015, en raison notamment de déplacements injustifiés établis par le système de géolocalisation de son véhicule.
Il a saisi la juridiction prud’homale en contestation de ce licenciement.
En cause d’appel, il a été débouté de l’ensemble de ses demandes et son licenciement pour faute grave a été jugé bien fondé.
Il a formé un pourvoi cassation en avançant l’argument selon lequel « les salariés concernés doivent être informés, préalablement à la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel, de l’identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégories de destinataires de données, de l’existence d’un droit d’accès aux données les concernant, d’un droit de rectification et d’un droit d’opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d’exercice de ces droits ; que, pour retenir une faute grave, la cour d’appel a considéré que les déplacements injustifiés reprochés au salarié étaient établis par les relevés de géolocalisation de son véhicule, que ce procédé avait été déclaré à la CNIL dans le but d’une géolocalisation des véhicules des employés et de la sécurité des biens et des personnes sur les sites, et que le salarié avait été informé par un courrier recommandé des objectifs de l’utilisation de la géolocalisation ; qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si figurait, parmi les finalités du dispositif indiquées tant à la CNIL qu’au salarié, le contrôle de l’activité de ce dernier, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données et des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».
En d’autres termes, le salarié estime que s’il avait été informé préalablement de l’existence d’un système de géolocalisation de son véhicule, il ne lui avait pas fait état de la finalité du dispositif de géolocalisation de son véhicule selon laquelle l’employeur pouvait contrôler son activité, de sorte que ce moyen de preuve serait, selon lui, irrecevable.
Par une motivation détaillée, la Cour de cassation, dans sa décision du 6 septembre 2023, casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Nîmes, en toutes ses dispositions, et suit l’argumentation du salarié.
Ainsi, au visa de l’article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 et des articles L. 1121-1, L. 1222-3 et L. 1222-4 du Code du travail, la Haute juridiction rappelle les règles régissant la recevabilité de la preuve par géolocalisation :
– dès lors qu’une entreprise souhaite mettre en place un traitement de données à caractère personnel, elle doit, préalablement, informer les salariés concernés de l’identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégories de destinataires de données, de l’existence d’un droit d’accès aux données le concernant, d’un droit de rectification et d’un droit d’opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d’exercice de ces droits ;
– l’employeur peut utiliser un système de géolocalisation pour contrôler l’activité des salariés seulement si celui-ci a été porté à leur connaissance préalablement ;
– l’employeur ne peut assurer le contrôle de la durée du travail par un système de géolocalisation seulement s’il ne peut le faire par un autre moyen.
En l’espèce, le système de géolocalisation avait été déclaré à la CNIL et le salarié en avait été informé par lettre recommandée avec accusé de réception réceptionnée le 1er septembre 2014.
Or, cette lettre mentionnait, au titre des objectifs de la géolocalisation, seulement le but de protection de la sécurité des biens et des personnes et non le contrôle de l’activité professionnelle des salariés et de la durée du travail.
Cela n’est pas suffisant pour la Cour de cassation qui estime qu’il convient d’informer le salarié du dispositif mis en place de géolocalisation, mais aussi de l’ensemble des finalités de celui-ci.
A défaut, les éléments ressortant du dispositif ne pourront servir au soutien du licenciement pour faute grave et seront jugés irrecevables.