Par un arrêt rendu le 13 avril 2016, réaffirmé depuis à plusieurs reprises, la Cour de cassation était revenue sur sa jurisprudence traditionnelle selon laquelle certains manquements de l’employeur causaient nécessairement un préjudice au salarié, en jugeant que les juges du fond devaient désormais caractériser la réalité du préjudice subi par le salarié et l’évaluer (Cass. Soc., 13 avril 2016, n° 14-28.293 ; Cass. Soc. 30 juin 2016, n° 15-16.066).
Le 16 janvier 2022, elle avait toutefois fait exception à cette règle en matière de durée du travail, et considéré qu’un salarié avait automatiquement droit à des dommages et intérêts s’il était démontré qu’il avait dépassé la durée hebdomadaire maximale de travail (à savoir 48 heures), et ce sans avoir à prouver son préjudice (Cass. Soc. 26 janvier 2022, n° 20.21.363).
La même décision vient d’être rendue le 11 mai 2023 dans l’hypothèse d’un dépassement de la durée quotidienne maximale de travail (Cass. Soc. 11 mai 2023, n° 21-22.281) :
« Vu l’article L. 3121-34 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
7. Aux termes du texte susvisé, la durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret.
8. Ces dispositions participent de l’objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail concrétisé par la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.
9. Pour rejeter la demande de la salariée en paiement de dommages-intérêts pour dépassement de l’amplitude horaire journalière, l’arrêt, après avoir constaté qu’elle avait exécuté des journées de travail de plus de dix heures, retient que l’intéressée ne démontre pas avoir subi un préjudice à ce titre.
10. En statuant ainsi, alors que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Cette position résulte de la jurisprudence européenne. En effet, la CJUE n’exige pas de démontrer l’existence d’un préjudice spécifique dans une telle situation, qui prive de facto le salarié d’un repos suffisant (CJUE, 14 octobre 2010, C-243/09).
A noter que, dans une seconde espèce, la Cour de cassation a également jugé qu’il revient à l’employeur de prouver qu’il a respecté les durées maximales de travail (Cass. Soc. 10 mai 2023, n° 21-23.041).