La charge de la preuve des heures supplémentaires découle de l’article L.3171-4 du Code du travail qui dispose « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
La Cour de cassation a rappelle de manière constante que le salarié n’a pas à « étayer » sa demande, mais doit apporter « des éléments suffisamment précis (…) afin de permettre à l’employeur (…) d’y répondre utilement » (notamment : Cass. soc., 17 févr. 2021, n°18-15.972).
Par 2 arrêts du 28 février 2024, la Cour de cassation est venue donner des précisions sur la charge de la preuve en matière d’heures supplémentaires.
Dans le premier arrêt, après avoir rappelé la jurisprudence susmentionnée, la Cour de cassation a précisé qu’il importait peu que les tableaux produits par le salarié n’indiquaient pas les horaires de travail, ni les temps de pause journaliers, pour considérer que les éléments apportés par ce dernier étaient suffisamment précis :
« 6. Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’ heures supplémentaires , il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
7. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l’arrêt relève qu’il produit deux tableaux indiquant le quantum des heures qu’il dit avoir accomplies d’avril 2013 à septembre 2014. Il constate que ces tableaux n’indiquent ni les horaires de travail ni les temps de pause journaliers. Il en conclut que le salarié ne fournit pas d’éléments suffisamment précis.
9. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé. »
Dans le second arrêt, la Cour de cassation a rappelé que l’envoi de courriels à des heures tardives, y compris sans urgence, constituait un élément suffisamment précis :
« 13. Pour débouter la salariée de sa demande en paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires accomplies au cours de la période du 1er janvier 2016 à mars 2017, outre les congés payés afférents, l’arrêt retient que la salariée ne rapporte pas la preuve d’avoir effectué des heures complémentaires à la demande de l’employeur et qu’en particulier les envois de courriels à des heures tardives, sans urgence, ne permettent pas d’étayer la réalité d’un travail continu à la fin de l’horaire théorique ni le weekend. Il conclut que les heures complémentaires et supplémentaires ne se trouvant pas établies, la problématique du travail dissimulé de leur chef est inopérante.
14. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé. »
Cass. soc. 28-2-2024 n° 22-23.047 ; Cass. soc. 28-2-2024 n° 22-22.506