Avec la loi n°2024-364 du 22 avril 2024, instaurant un droit à acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie, se pose la question de savoir si les transactions conclues avant le 24 avril 2024, date d’entrée en vigueur de cette loi, sont de nature à faire obstacle à une action du salarié visant à obtenir un rappel de congés payés.
Les transactions sont régies par les articles 2044 et suivants du Code civil qui prévoient notamment :
- les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu (article 2048 du Code civil) ;
- la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet (article 2052 du Code civil).
Au regard de ces principes, la Cour de cassation a adopté une interprétation élargie de la portée de la transaction. Dès lors que les parties transigent en des termes généraux, en visant par exemple « tout litige se rapportant à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail », la transaction fait obstacle à toute action du salarié à l’encontre de son ancien employeur, quand bien même elle porterait sur un point autre que le différend à l’origine de la transaction.
Ainsi, le salarié déclarant n’avoir plus rien à réclamer à l’employeur « à quelque titre que ce soit et pour quelque cause que ce soit, tant en raison de l’exécution que de la rupture du contrat de travail » ne peut plus prétendre au paiement de rappel de salaires et d’une indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc. 5 novembre 2014, n°13-18.984), au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés (Cass. soc. 12 novembre 2020, n°19-12.488), à des droits en matière de retraite supplémentaire (Cass. soc. 30 mai 2018, n°16-25.426), ou demander le paiement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence non levée par l’employeur au moment du licenciement (Cass. soc. 17 février 2021, n°19-20.635).
La Haute juridiction a également admis qu’en transigeant, le salarié pouvait renoncer à un droit futur en jugeant que postérieurement à la conclusion de la transaction intervenue quelques jours après sa sortie des effectifs, le salarié ne pouvait formuler des demandes au titre du non-respect par l’employeur de ses obligations de reclassement et de réembauche ainsi que de ses obligations découlant du PSE (Cass. soc. 20 février 2019, n°17-19.676).
La Cour de cassation a également jugé que l’existence d’une transaction par laquelle le salarié renonce à toute demande liée à l’exécution ou à la rupture de son contrat de travail, conclue avant la reconnaissance jurisprudentielle du préjudice d’anxiété s’oppose à ce que le salarié sollicite, après cette date, une indemnisation de ce préjudice spécifique (Cass. soc. 11 janvier 2017, n°15-20.040).
Les protocoles conclus en des termes généraux ont donc ainsi un « effet extinctif global, y compris pour des préjudices non encore nés lors de la conclusion du protocole » de sorte que les parties ne pourraient former un recours aux fins d’obtenir la réparation des préjudices découverts après la conclusion du protocole transactionnel, qui n’étaient pas encore nés lorsqu’elles se sont engagées (A. TESSIER, Effet extinctif des transactions, JCP éd. S n°14, 9 avril 2019, 1108).
Toutefois, ces clauses de portée générale ne produisent pas le même effet lorsque la transaction porte sur un litige relatif à l’exécution du contrat de travail.
En effet, la Cour de cassation a jugé que la renonciation du salarié « à ses droits nés ou à naître et à tout instance relative à l’exécution du contrat de travail » ne rend pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction. Par conséquent, un salarié peut agir pour des faits de discrimination syndicale postérieurs à une transaction portant sur un litige relatif à la classification (Cass. soc. 16 octobre 2019, n°18-18.287).
Cette solution est à rapprocher de celle admise pour les transactions conclues en cours d’instance judiciaire. La Cour de cassation a, en effet, jugé qu’elles n’interdisent pas d’engager par la suite une nouvelle procédure portant sur des prétentions dont le fondement est né ou s’est révélé postérieurement à la transaction (Cass. soc. 13 juin 2012, n°10-26.857 ; Cass. soc. 20 février 2019, n°17-21.626).
Compte tenu de ce qui précède :
– la transaction rédigée en des termes généraux, visant tout litige se rapportant à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail s’oppose a priori à ce que le salarié sollicite un rappel de congés payés au titre des périodes antérieures au 24 avril 2024 ;
– si la transaction a été conclue pendant l’exécution du contrat de travail et vise tout droit né ou à naître relatif à l’exécution du contrat de travail, le salarié pourrait solliciter un rappel de congés payés au titre des périodes d’exécution du contrat de travail postérieures à la transaction ;
– la transaction cantonnée à un chef de préjudice particulier est de nature à éteindre uniquement les litiges qui y sont attachés, de sorte que le salarié pourrait formuler une demande de rappel de congés payés, y compris pour la période antérieure à la conclusion du protocole. A ce titre, précisons que les nouvelles dispositions de la loi n°2024-364 du 22 avril 2024 sont applicables pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date d’entrée en vigueur de la loi, le cumul des jours de congés déjà acquis pendant une période de référence et des congés supplémentaires issus de la loi étant toutefois plafonné à 24 jours ouvrables pour chaque période de référence antérieure au 24 avril 2024.
Pour l’avenir et afin d’éviter toute difficulté, il peut être opportun de prévoir expressément dans la transaction que le salarié renonce irrévocablement à réclamer à la Société toute indemnité compensatrice de congés payés se rapportant à quelque période que ce soit y compris pendant une période de suspension du contrat de travail, notamment pour maladie.