Depuis le revirement de jurisprudence opéré par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation dans des arrêts du 22 décembre 2023, il est désormais admis que, dans un procès civil, l’illicéité odans l’obtention ou la production d’une preuve ne conduit plus nécessairement à son exclusion. Autrement dit, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments qui portent atteinte à d’autres droits, à condition que cette production soit indispensable et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Dans un nouvel arrêt rendu le 14 février dernier (Cass. soc. 14 février 2024, n°22-23.073), la Cour de cassation s’est prononcée sur la recevabilité de la vidéosurveillance dans l’entreprise produite dans un litige prud’homale.
En l’espèce, l’entreprise avait utilisé la vidéosurveillance pour enquêter sur des anomalies de stocks. Après avoir constaté des écarts injustifiés dans les inventaires, la responsable de la société avait suivi les produits lors de leur passage en caisse et avait croisé les séquences vidéo avec les relevés des journaux informatiques de vente. Ce contrôle avait révélé 19 anomalies graves en moins de 2 semaines. C’est ce qui avait conduit à notifier à la salariée ainsi “surveillée” son licenciement pour faute grave.
Les juges du fond ont relevé que :
- le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps et réalisé par “la seule dirigeante de l’entreprise“,
- la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi.
Par conséquent, les pièces litigieuses étaient recevables.
Le raisonnement a été validé par la Cour de cassation : « De ces seules constatations et énonciations, dont il résulte qu’elle a mis en balance de manière circonstanciée le droit de la salariée au respect de sa vie privée et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l’entreprise, en tenant compte du but légitime qui était poursuivi par l’entreprise, à savoir le droit de veiller à la protection de ses biens, la cour d’appel a pu [donné gain de cause à l’employeur] ».