Des analyses statistiques relatives à l’embauche de salariés à patronyme européen et de salariés à patronyme extra-européens, réalisées à partir du registre unique du personnel et de l’organigramme de la société, peuvent laisser supposer une discrimination à l’embauche et conduire à la condamnation de l’employeur si ce dernier ne justifie pas d’éléments objectifs étrangers à toute discrimination, ainsi qu’il ressort d’un arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la Cour de cassation (Cass. soc. 14 décembre 2022, n° 21-19.628).
Un salarié intérimaire avait saisi le Conseil de prud’hommes à l’encontre de son ancien employeur, une société de travail temporaire, pour solliciter la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée et le paiement de dommages-intérêts au titre d’une discrimination à l’embauche.
Dans le cadre des débats devant la Cour d’appel, le salarié avait produit une analyse faite à partir du registre unique du personnel communiqué par l’employeur sur la période du 26 mars 2018 au 31 décembre 2018 et sur l’organigramme de la société à partir desquels il avait fait des analyses statistiques et avait conclu que, parmi les salariés à patronyme européen recrutés sous « contrat à durée déterminée intérim », 18,07 % s’étaient vus accorder un contrat à durée indéterminée contre 6,9 % pour les salariés à patronyme extra-européen, que les salariés en « contrat à durée déterminée intérim » à patronyme extra-européen représentaient 8,17 % de l’ensemble des salariés en « contrat à durée déterminée intérim » mais seulement 2,12 % de l’ensemble des salariés en contrat à durée indéterminée pour les mêmes postes, 80,93 % des salariés à patronyme européen étaient sous contrat à durée indéterminée pour seulement 21,43 % des salariés à patronyme extra-européen.
La cour d’appel avait considéré que ces éléments pris dans leur ensemble laissaient supposer une discrimination à l’embauche et condamné l’employeur à ce titre.
Ce dernier a formé un pourvoi en faisant notamment valoir que la seule comparaison du pourcentage de salariés ayant un patronyme à consonnance européenne et de salariés ayant un patronyme à consonnance extra-européenne embauchés par une entreprise, indépendamment du nombre de candidatures reçues, du profil et de la qualification des candidats et de la nature du poste à pourvoir, est insuffisante à laisser supposer une discrimination à l’embauche systémique à raison du nom ou de l’origine des salariés et, a fortiori, une discrimination à l’encontre d’un salarié.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi.
Elle a considéré que la Cour d’appel ayant retenu que l’employeur n’apportait pas d’analyse réfutant celle faite par le salarié, mis à part quatre exemples qui portaient sur une liste de vingt-deux noms, avait pu estimer, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que l’employeur ne justifiait pas d’éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
https://www.courdecassation.fr/decision/63997d50b7ec7f05d42d8201