Il résulte d’un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 11 février dernier que la vérification par le donneur d’ordre du dépôt d’une déclaration préalable au détachement, d’une part, et de la désignation d’un représentant en France par le prestataire de services établi à l’étranger, d’autre part, constituent chacun une composante d’une seule et même obligation de vigilance. Dès lors, en cas de manquement à l’une et l’autre composantes de cette obligation, le donneur d’ordre est passible d’une unique amende (CE, ch. réunies, n° 440808).
Rappelons qu’aux termes de l’article L. 1262-4-1 du Code du travail, « le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui contracte avec un prestataire de services qui détache des salariés, dans les conditions mentionnées aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, vérifie auprès de ce dernier, avant le début du détachement, qu’il s’est acquitté des obligations mentionnées aux I et II de l’article L. 1262-2-1 ».
L’article L. 1262-2-1, I dispose que « l’employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l’article L. 1262-1 et à l’article L. 1262-2, adresse une déclaration, préalablement au détachement, à l’inspection du travail du lieu où débute la prestation ».
L’article L. 1262-2-1, II dispose que « l’employeur mentionné au I du présent article désigne un représentant de l’entreprise sur le territoire national, chargé d’assurer la liaison avec les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 pendant la durée de la prestation ».
Il résulte des textes précités que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre qui recourt au travail de salariés étrangers détachés en France est tenu de vérifier, préalablement au début du détachement des salariés par le prestataire de services avec qui il a contracté, que ce dernier les a déclarés auprès de l’administration et a désigné un représentant de l’entreprise sur le territoire national.
En vertu de l’article L. 1264-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date des faits, la méconnaissance par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre d’une des obligations mentionnées à l’article L. 1262-4-1 est passible d’une amende administrative, dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3, lorsque son cocontractant n’a pas rempli au moins l’une des obligations lui incombant en application de l’article L. 1262-2-1.
A la suite d’un contrôle effectué sur un chantier le 24 mars 2016, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Bourgogne Franche-Comté avait infligé à la société M. C., donneuse d’ordre d’une société polonaise ayant détaché trois salariés sur le territoire français, deux amendes, chacune de 2 400 euros, soit 4 800 euros au total, au motif de son défaut de vigilance concernant la déclaration de détachement et la désignation d’un représentant en France par la société polonaise.
Par un jugement du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Dijon avait rejeté la demande de la société M. C. tendant à l’annulation de cette décision.
La ministre du travail s’était pourvue en cassation contre l’arrêt du 30 janvier 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, saisie de l’appel de la société Métal construction, avait réformé ce jugement en réduisant le montant de la sanction à un total de 2 400 euros.
Le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi du Ministre.
Pour la Haute juridiction, le fait de s’assurer du dépôt, par son prestataire, de la déclaration préalable au détachement et de la désignation d’un représentant en France constitue, pour le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, alors même qu’elle porte sur la vérification de l’accomplissement de plusieurs démarches par son cocontractant, une seule et même obligation de vigilance, dont la méconnaissance est passible d’une unique amende.