Dans un arrêt du 10 juillet 2024, la Cour de cassation était interrogée sur l’étendue de la possibilité pour l’employeur de procéder à une retenue sur salaire lorsqu’un salarié titulaire d’un mandat ouvrant droit à des heures de délégation dépassait ce crédit et ne justifiait pas de ce dépassement par des circonstances exceptionnelles (n°23-11.770).
En l’espèce, un salarié avait été désigné en qualité de délégué syndical et bénéficiait, à ce titre, d’heures de délégation.
Ayant constaté des dépassements du crédit d’heures mensuel, son employeur lui a écrit afin de lui demander d’apporter une particulière attention à ces dépassements et, qu’à défaut, elle se trouverait contrainte d’en solliciter le remboursement sauf à ce qu’il justifie de circonstances exceptionnelles.
Deux mois plus tard, l’employeur écrivait à nouveau au salarié afin de lui indiquer qu’il n’avait toujours pas justifié du dépassement de ses heures de délégation et qu’il procéderait donc à un « remboursement » sur son prochain salaire.
Par la suite, le Tribunal judiciaire a annulé la désignation du salarié en qualité de délégué syndical. La Société a alors procédé à deux retenues sur salaire : l’une au titre du dépassement du crédit d’heures, l’autre considérant que compte tenu de l’annulation du mandat, le crédit d’heures dont il avait bénéficié n’était pas justifié.
La seconde retenue sur salaire était injustifiée dès lors qu’il résultait d’une jurisprudence constante que l’annulation du mandat ne produisait effet qu’à la date du jugement qui l’avait prononcée et non rétroactivement à la date de sa désignation (Cass. soc., 11 octobre 2017, n°16-11.048).
S’agissant de la retenue sur salaire portant sur les heures de délégation prises au-delà du crédit d’heures, la Cour d’appel a jugé que le retrait de salaire était contraire aux dispositions d’ordre public de l’article L. 3251-3 du Code du travail, selon lequel « en dehors des cas prévus au 3° de l’article L. 3251-2, l’employeur ne peut opérer de retenue de salaire pour les avances en espèces qu’il a faites, que s’il s’agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles. » (Paris, 7 décembre 2022, n°20/05607).
Au visa de ce texte et l’article L. 2143-17 prévoyant que les heures de délégation sont de plein droit considérées comme du travail de travail effectif, la Cour de cassation, dans son arrêt du 10 juillet 2024, rappelle d’abord que « ni la présomption de bonne utilisation des heures de délégation, ni le paiement de plein droit de ces heures ne sont applicables aux heures prises au-delà du contingent fixé par la loi ou l’accord collectif ».
Ensuite, elle juge que « le paiement indu par l’employeur d’heures de délégation dépassant le crédit d’heures légal dont dispose le salarié en tant que délégué syndical, en l’absence de justification de la part du salarié des circonstances exceptionnelles autorisant ce dépassement du crédit d’heures de délégation, ne constitue pas une avance sur salaire, de sorte que l’article L. 3251-3 du code du travail, exclusivement relatif aux avances en espèces consenties au salarié, n’est pas applicable et que la compensation, opérée lors d’une retenue sur salaire par l’employeur, peut s’appliquer dans la limite de la fraction saisissable du salaire en application de l’article L. 3252-2 du même code ».
La Haute juridiction casse donc l’arrêt d’appel sur ce point.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation juge également que le fait d’opérer des retenues indues sur salaire au titre d’heures de délégation constitue un élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale et qu’il appartient alors à l’employeur de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.