Rappelons qu’aux termes de l’article L. 3171-4 du Code du travail :
« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».
Cet article institue un partage de la charge de la preuve entre l’employeur et le salarié.
Il a en particulier vocation à s’appliquer en cas de litige relatif à l’existence d’heures supplémentaires.
Dans l’arrêt de la Cour de cassation, en date du 17 janvier 2024, une salariée engagée en qualité de gestionnaire administrative avait saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant au prononcé de la nullité de son licenciement et à la condamnation de l’employeur au paiement de diverses indemnités à ce titre ainsi que de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Au titre de l’exécution déloyale du contrat, la salariée faisait valoir que son employeur n’avait pas respecté les temps de pause, les seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union Européenne et les durées maximales de travail fixées par le droit interne.
Les juges du fond avaient débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en faisant valoir que les attestations produites par celle-ci étaient imprécises quant aux horaires d’embauche et de débauche de la salariée et au temps consacré à la pause méridienne et que la salariée échouait ainsi à rapporter la preuve d’une exécution déloyale par l’employeur du contrat de travail.
La Cour de cassation a cassé la décision des juges du fond au visa des articles L. 3121-16, L. 3121-18, L. 3121-20 et L. 3131-1 du Code du travail et 1353 du Code civil.
Elle a rappelé que :
Selon le premier de ces textes, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes.
Selon le deuxième, la durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures.
Selon le troisième, au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.
Selon le quatrième, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives.
Selon le dernier, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
La Cour de cassation en a déduit que les dispositions de l’article L. 3171-4 du Code du travail, applicable en en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies et qui prévoit un partage de la preuve entre le salarié et l’employeur, ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union Européenne et de ceux fixés par les articles L 3121-16 (temps de pause de 20 minutes minimum dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures), L 3121-18 (durée quotidienne du travail effectif de 10 heures maximum), L 3121-20 (durée maximale hebdomadaire de 48 heures au cours d’une même semaine) et L 3131-1 (repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives) du Code du travail, qui incombe à l’employeur.
Cass. soc. 17-1-2024 no 22-20.193 F-D