Covid-19 : condamnation sous astreinte d’un employeur à mettre en place des mesures de prévention et protection
Dans son ordonnance de référé du 3 avril 2020, le Président du Tribunal judiciaire de Lille, saisi par l’inspection du travail sur le fondement de l’article L 4732-1 du Code du travail (en cas de constat d’un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un travailleur), a condamné une association d’aide à domicile à mettre en place, sous astreinte de 500 euros de retard et par obligation inexécuté après un « délai de 3 jours à compter de la signification de cette ordonnance », plus d’une dizaine de mesures de prévention et de protection de ses salariés, dont :
- La définition par écrit des critères de maintien ou d’aménagement des prestations,
- La définition par écrit des modalités de vérification préalable à l’intervention à domicile,
- L’information auprès des clients qu’il leur sera demandé de porter un masque simple lors de l’intervention des salariés dès lors que ces clients présentent un symptôme ou qu’ils ont été diagnostiqués positifs,
- L’identification par écrit des types de risques encourus lors de ces interventions,
- La diffusion de consignes écrites sur l’utilisation de équipements de protection individuelle et la fourniture de ces derniers « en quantité suffisante et appropriée »,
- L’établissement d’une procédure de traitement des déchets,
- L’établissement, après avis du médecin du travail, d’une liste de travailleurs exposés à des agents biologiques.
Au soutien de cette décision, le Juge a retenu la position de l’inspection du travail invoquant à la fois l’article L. 4121-1 du Code travail portant sur l’obligation de sécurité de l’employeur et l’article R. 4421-1 du Code du travail relatif à la prévention des risques biologiques.
De ce fondement textuel, le Tribunal a considéré qu’« il n’est pas contesté qu’à la date des débats sévit une pandémie de Covid-19 que le virus est transmis par les gouttelettes respiratoires sortant du nez ou de la bouche d’une personne contagieuse, que le virus reste actif sur les surfaces pendant un temps variable et encore mal défini, que les personnes contaminées peuvent être contagieuses pendant un délai encore mal cerné et même lorsqu’elles ne présentent aucun symptôme ou des symptômes discrets et non spécifiques ».
Il a ajouté que « dans ce contexte, l’aide à domicile peut conduire à exposer les salariés qui exécutent les prestations au domicile des clients, dont tout le monde ignore s’ils sont contaminés, à des agents biologiques, et actuellement le Covid-19 ».
Dans cette espèce, le juge judiciaire a relevé que l’employeur avait visé dans son document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER) « un risque biologique spécifique lié à l’intervention à domicile pendant une épidémie ou une pandémie « (ex Covid-19) » et le classifiait en risque mortel », de sorte que ce dernier était “obligé de respecter les règles de prévention des risques biologiques prévus par le Code du travail“.
La décision ainsi rendue est susceptible d’appel, même si elle est en l’état exécutoire de droit.
Pour faire le point sur cette décision et sur les pouvoirs de contrôle de l’administration du travail pendant cette situation exceptionnelle, un webinar spécial, auquel Me François HUBERT participera, est organisé le 22 avril 2020 par Liaisons sociales Formation: https://www.wk-formation.fr/liaisons-sociales/formations/loi-urgence-administration
Rappelons à cet égard que l’article R. 4741-1 du Code du travail sanctionne pénalement le fait de ne pas actualiser le DUER, sachant que cette actualisation « est nécessaire du fait de l’épidémie actuelle liée au virus de Covid 19 » (questions/réponses du Ministère du travail).
Par ailleurs, dans la note de la DGT du 30 mars 2020 sur les modalités d’intervention de l’inspection du travail dans les entreprises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, il est précisé qu’en cas de contrôle de l’inspection du travail, même à distance, il est vérifié s’il y a un DUER et s’il a été actualisé.