Pour mémoire, le législateur prévoit désormais plusieurs points de départ pour lancer une contestation contre une expertise « légale » décidée par le CSE :
1° La délibération du comité social et économique décidant le recours à l’expertise s’il entend contester la nécessité de l’expertise ;
2° La désignation de l’expert par le comité social et économique s’il entend contester le choix de l’expert ;
3° La notification à l’employeur du cahier des charges et des informations prévues à l’article L. 2315-81-1 s’il entend contester le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise ;
4° La notification à l’employeur du coût final de l’expertise s’il entend contester ce coût ;
Le délai (donc la durée n’a pour seule finalité que d’empêcher l’employeur d’exercer son droit à la contestation…) est fixé à 10 jours.
Dans un arrêt du 18 octobre 2023, la Cour de cassation fait une application stricte des textes pour déclarer irrecevable la contestation d’un employeur probablement peu diligent.
Selon la Cour :
« Il résulte des articles L. 2315-86, 1°, et R. 2315-49 du code du travail, interprété à la lumière de l’article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que le délai de dix jours de contestation de la nécessité d’une expertise ne court qu’à compter du jour où l’employeur a été mis en mesure de connaître sa nature et son objet.
Le jugement énonce que l’employeur ne critique ni le montant des factures qui lui ont été adressées ni le coût final des expertises mais conteste le principe de son paiement au motif qu’ayant été décidées avant la transmission des comptes et le dépôt des documents d’information utiles à la base des données économiques et sociales, elles étaient des expertises libres.
Il retient que l’employeur était informé des délibérations adoptées lors des séances du CSE des 28 février et 21 mars 2019 auxquelles il assistait et de leurs conséquences, notamment du fait qu’il devrait prendre en charge le montant des expertises ordonnées en vue de consultations récurrentes et qu’il a réglé, sans contestation, l’acompte réclamé par l’expert désigné par ces mêmes délibérations, et en déduit que la saisine tardive du 2 août 2019 aux fins de contester la nature des expertises litigieuses est irrecevable pour cause de forclusion.
De ces constatations dont il résulte que l’employeur a été mis en mesure de connaître la nature et l’objet des expertises dès les délibérations du CSE, le président du tribunal, sans modifier l’objet du litige, en a exactement déduit que la saisine tardive du 2 août 2019 aux fins de contester la nature des expertises litigieuses était irrecevable pour cause de forclusion ».
Moralité : quand vous êtes informés de la désignation d’un expert par votre CSE, n’attendez pas avant de vérifier (ou faire vérifier) la légalité de cette désignation. Passé 10 jours, il sera trop tard.
Cass. soc. 18 octobre 2023, pourvoi n°22-10.761
https://www.courdecassation.fr/decision/652f769fb0532083189957ee