Dans un arrêt publié du 1er juin 2022, la Cour de cassation était invitée à se prononcer sur la question de savoir si le salarié en congé de reclassement était bénéficiaire de l’accord d’intéressement et, dans l’affirmative, si le congé avait une incidence sur la répartition des droits à intéressement (Cass. soc., 1er juin 2022, n°20-16.404).
En l’espèce, une salariée a signé une convention de rupture d’un commun accord pour motif économique, prévoyant le bénéfice d’un congé de reclassement.
À l’expiration de la période correspondant au préavis, l’employeur a appliqué l’accord d’intéressement, prévoyant une répartition à hauteur de 50% en fonction de la rémunération perçue au cours de l’exercice et répondant aux conditions définies par les dispositions du Code général des impôts relatives à la taxe sur les salariés, et de 50% en fonction du temps de présence. La durée du congé de reclassement excédant la période de préavis n’était pas assimilée par l’accord à une période de travail effective prise en compte pour la répartition de l’intéressement.
Dans ces conditions, l’employeur n’a retenu que la prime d’ancienneté versée à la salariée pour calculer la répartition de l’intéressement, à l’exclusion de l’indemnité de congé de reclassement.
Au cours du congé, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de diverses demandes dont une au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail en raison du refus de l’employeur d’appliquer les dispositions de l’accord d’intéressement.
Confirmant sa jurisprudence rendue au sujet de la participation (Cass. soc., 7 nov. 2018, n°17-18.936 ; Cass. soc., 30 janv. 2019, n°17-27.240), la Haute juridiction juge que « les titulaires d’un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l’entreprise jusqu’à l’issue de ce congé en application de l’article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de la participation ou de l’intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation ». Le salarié en congé de reclassement est donc théoriquement bénéficiaire de l’intéressement.
Mais, l’application des règles de répartition peut avoir une incidence sur les droits servis. Aux termes de l’article L.3314-5 du Code du travail, la répartition peut être uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l’entreprise, proportionnelle aux salaires ou résulter de la combinaison de ces critères.
Le congé de reclassement n’étant pas assimilé à du temps de travail effectif, dès lors que l’accord prévoit une répartition proportionnelle au temps de présence, le salarié n’est pas éligible à la répartition de la prime d’intéressement pour cette période, sauf disposition conventionnelle plus favorable.
S’agissant de la répartition proportionnelle au salaire, le salaire pris en compte est défini par l’accord mettant en place le dispositif d’épargne. L’administration a précisé qu’il peut s’agir « soit du salaire effectivement versé, soit du salaire de référence correspondant à la rémunération habituelle des salariés » (Guide de l’épargne salariale – Juillet 2014 – Fiche 5 – Dossier 1 – §I A 3°). Par parallélisme avec les règles applicables à la durée de présence, le congé de reclassement ne figure pas dans la liste des congés et absences au titre desquels l’employeur doit prendre en compte un salaire reconstitué (C. trav., art. R.3314-3).
Au cas d’espèce, l’accord ne prévoyait pas d’assimiler le congé de reclassement à une période de travail effectif et le salaire pris en compte était défini par référence à l’article 231 du Code général des impôts, auquel n’est pas soumise l’indemnité de reclassement. Dans ces conditions, la Cour de cassation juge que « la simple prise en compte par l’employeur de la prime d’ancienneté pour calculer la répartition de l’intéressement à l’expiration de la période de préavis n’était pas contraire aux règles légales et conventionnelles applicables ».