Par un arrêt du 19 avril 2023, la Cour de cassation juge que « le salarié en congé de reclassement a droit au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat pour la période correspondant à celle du préavis même si la décision unilatérale de l’employeur proratise le bénéfice de cette prime au temps de présence effective dans l’entreprise » (Cass. soc., 19 avril 2023, n°21-23.092).
En l’espèce, un salarié, licencié pour motif économique le 1er octobre 2018, avait adhéré au congé de reclassement d’une durée de 12 mois, préavis inclus. Par décision unilatérale du 28 janvier 2019, l’employeur avait décidé de faire bénéficier les salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 d’une prime « PEPA » d’un montant de 800 euros, versée :
- au prorata du temps de travail contractuel pour les salariés à temps partiel ;
- au prorata du temps de présence pour les personnes entrées au courant de l’année 2018 ou absentes (100 % du montant pour 12 mois de présence, 80% pour 11 mois, 0% pour 10 mois et moins).
La Société n’avait pas versé la prime au salarié en congé de reclassement. Estimant qu’il y avait droit, il a saisi la juridiction prud’homale, laquelle a condamné l’employeur à lui verser l’intégralité du montant de la prime.
Après avoir rappelé les dispositions légales relatives à la PEPA et celles issues de la décision unilatérale de l’employeur, la Cour de cassation affirme que « si le salarié en congé de reclassement demeure salarié de l’entreprise jusqu’à l’issue de ce congé, la période de congé de reclassement n’est pas légalement assimilée à du temps de travail effectif ». Elle ajoute qu’aux termes de l’article L. 1234-5 du Code du travail, le dispense de préavis ne droit entrainer aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail.
Le salarié avait été présent et travaillé dans l’entreprise jusqu’au 10 octobre 2018, date à laquelle il a été placé en préavis dispensé par l’employeur puis en congé de reclassement à compter du 10 décembre 2018.
Dans ces conditions, la Cour de cassation juge que le Conseil de prud’hommes, en condamnant l’employeur au paiement de l’intégralité de la prime, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations. Le congé de reclassement ayant débuté le 10 décembre 2018, le salarié n’avait pas été présent pendant 12 mois et ne pouvait donc prétendre au paiement intégral de la prime.
L’arrêt interroge sur sa portée. La Cour juge que le droit au paiement de la prime PEPA ne vaut que « pour la période correspondant à celle du préavis ». Cela soulève donc la question de savoir si cette précision vaut en toute hypothèse ou seulement lorsque la décision unilatérale ou l’accord a prévu une modulation du montant de la prime en fonction de la durée de présence effective.
Si cette solution devait avoir une portée générale, alors la Cour retiendrait une solution différente de celle retenue en matière d’épargne salariale.
Souhaitant conserver le caractère collectif des dispositifs, la Cour de cassation a rendu des décisions différentes, considérant que le salarié en congé de reclassement demeurait éligible à la participation et l’intéressement pendant toute la durée du congé de reclassement (Cass. soc., 1er juin 2022, n°20-16.404 ; Cass. soc., 30 janvier 2019, n°17-27.240). Ceci étant, ce principe ne permet que de définir une liste des bénéficiaires théoriques du régime, mais il ne garantit pas le versement d’une prime en application des règles de répartition définies dans l’accord.