Par une décision en date du 21 mars 2023, le Conseil d’Etat apporte des éclaircissements sur la conclusion d’un accord de rupture conventionnelle collective en période de cessation d’activité d’une entreprise ou d’un établissement.
En l’espèce, par une note d’information en date du 23 octobre 2020, la société concernée informait son Comité Social et Economique de sa volonté de réorganiser ses activités d’imprimerie en France et, à ce titre, de vendre le site de production de Romorantin, ses activités et ses personnels devant être transférés à d’autres établissements de l’entreprise.
La société envisageait également de soumettre aux institutions représentatives du personnel un projet de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) si plus de dix salariés refusaient la modification de leur contrat de travail nécessitée par ce transfert.
Elle concluait, par la suite, un accord collectif le 15 décembre 2020 portant rupture conventionnelle collective (RCC). Cet accord était validé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) de Centre-Val de Loire, le 5 janvier 2021.
Un syndicat sollicitait l’annulation de cette décision devant le tribunal administratif d’Orléans, lequel rejeta sa demande.
La Cour administrative d’appel de Versailles, sur appel du syndicat, a décidé d’annuler ce jugement ainsi que la décision de la DIRECCTE.
La Société, contestant cette décision, a formé un pourvoi.
Le Conseil d’Etat, après avoir examiné les pièces produites aux débats et les articles L. 1231-1, L. 1233-3, L. 1237-17, L. 1237-19, L. 1237-19-1, L. 1237-19-2, L. 1237-19-3, L. 1237-19-4 et L. 1237-19-8 du Code du travail, a décidé que :
« 5. Il résulte des dispositions du code du travail citées au point précédent, notamment de l’article L. 1237-19-3, que l’autorité administrative ne peut valider un accord collectif portant rupture conventionnelle collective que s’il est conforme à l’article L. 1237-19, qu’il comporte les clauses prévues à l’article L. 1237-19-1, qu’il contient des mesures, prévues au 7° du même article L. 1237-19-1, précises et concrètes et, que, le cas échéant, la procédure d’information du comité social et économique a été régulière. En outre, il résulte des mêmes dispositions qu’elle ne peut valider un tel accord s’il est entaché de nullité, notamment en raison de ce que des vices, propres à entacher l’accord de nullité, ont affecté les conditions de sa négociation.
6. Par ailleurs, un accord portant rupture conventionnelle collective peut être, en principe, légalement conclu dans un contexte de difficultés économiques de l’entreprise ou d’autres situations visées à l’article L. 1233-3 du code du travail. Pour autant, dès lors qu’il résulte des dispositions citées aux points 2 à 4 que la rupture du contrat de travail qui lie l’employeur et le salarié n’obéit pas au même régime juridique selon qu’elle est imposée par l’employeur au salarié, notamment pour motif économique, ou qu’elle est décidée d’un commun accord entre l’employeur et le salarié, en particulier dans le cadre de la mise en œuvre d’un accord portant rupture conventionnelle collective, un tel accord, compte tenu de ce qu’il doit être exclusif de toute rupture du contrat de travail imposée au salarié, comme le prévoit l’article L. 1237-17, ne peut être validé par l’autorité administrative lorsqu’il est conclu dans le contexte d’une cessation d’activité de l’établissement ou de l’entreprise en cause conduisant de manière certaine à ce que les salariés n’ayant pas opté pour le dispositif de rupture conventionnelle fassent l’objet, à la fin de la période d’application de cet accord, d’un licenciement pour motif économique, et le cas échéant, d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Dans une telle hypothèse, pour assurer le respect des règles d’ordre public qui régissent le licenciement collectif pour motif économique, il appartient en effet à l’employeur d’élaborer, par voie d’accord ou par un document unilatéral, un plan de sauvegarde de l’emploi qui doit être homologué ou validé par l’administration, ce plan pouvant, le cas échéant, également définir les conditions et modalités de rupture des contrats de travail d’un commun accord entre l’employeur et les salariés concernés ».
En d’autres termes, le Conseil d’Etat, suivant l’argumentation de la Cour administrative d’appel, a considéré que la société avait fait le choix de la fermeture du site de Romorantin avant la signature de l’accord portant RCC validé par la DIRECCTE, de sorte que les salariés de ce site ne pouvaient pas espérer un maintien dans leur emploi à l’issue de la période d’application de l’accord. Ainsi, il a refusé d’annuler l’arrêt de la Cour.
Attention donc, il n’est pas possible de conclure un accord portant RCC après avoir décidé de la cessation d’activité d’un site. En revanche, le Conseil d’Etat rappelle qu’en principe, un accord de RCC peut légalement être conclu dans un contexte de difficultés économiques de l’entreprise ou dans le cadre des autres situations visées par l’article L. 1233-3 du Code du travail.
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-03-21/459626