La Commune de Lisses, dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, a installé diverses caméras thermiques pour prendre la température des habitants :
- une caméra fixe a notamment été placée à l’entrée d’un bâtiment municipal,
- et des caméras portables ont été confiées à des agents municipaux pour mesurer la température des élèves et des enseignants à l’entrée des bâtiments scolaires et périscolaires de la commune.
La Ligue des droits de l’Homme a saisi le juge des référés du Conseil d’Etat pour demander le retrait de ces caméras.
Dans sa décision du 26 juin 2020, le Conseil d’Etat rappelle que le traitement des données de santé est, en principe, interdit, sauf exceptions prévues par l’article 9-2 du RGPD, notamment :
- s’il a fait l’objet d’un consentement de chaque personne intéressée (dans ce cas, le consentement doit répondre aux exigences de l’article 7 du RGPD, c’est-à-dire être libre, exprès, spécifique, retirable et traçable),
- s’il est conduit sur la base d’un texte encadrant le motif d’intérêt public l’ayant rendu nécessaire et comportant les protections adéquates,
- s’il est conduit dans le cadre d’une politique de prévention par des professionnels de santé tenus au secret médical et sur le fondement d’un texte régissant cette politique.
En l’espèce, le Conseil d’Etat considère que :
- Lorsqu’une caméra thermique, installée à la disposition d’un public donné, a pour seule fonction de donner aux personnes qui le souhaitent une information instantanée, sans intervention d’un tiers ou d’une personne manipulant l’équipement, sans aucune conséquence quant à l’accès à un lieu, et sans enregistrement ou communication de la donnée autrement qu’à l’intéressé, cette caméra ne peut être regardée comme donnant lieu à un traitement au sens et pour l’application du RGPD ;
- La seule prise de température au moyen d’un appareil électronique ne peut être regardée comme automatisée, dès lors qu’elle se borne à la mesure d’une variable quantifiée. En revanche, le signalement d’un écart à la moyenne, qui suppose que la donnée mesurée soit ensuite comparée à une norme de référence pour aboutir au signalement de la conformité ou de l’écart à la norme, en ce qui concerne les caméras thermiques par l’affichage d’un code couleur, constitue une automatisation du traitement de la donnée qui le fait relever du RGPD.
En conséquence, le Conseil d’Etat a jugé que :
- S’agissant de la caméra fixe placée à l’entrée du bâtiment municipal : Elle ne donne lieu à aucun enregistrement, le fournisseur l’ayant, à la demande de la commune, livrée sans capacité mémoire. Elle indique par un code couleur à la personne se plaçant volontairement dans l’espace permettant sa mise en fonctionnement, si sa température corporelle est supérieure à la normale. Aucune conséquence n’est tirée de l’existence ou de l’absence de prise volontaire de température corporelle par les personnes qui s’y prêtent. L’accès aux locaux est possible en évitant le recours à la caméra thermique qui n’est pas un passage obligé. En conséquence, cette caméra thermique ne peut être regardée comme donnant lieu à un traitement des données de santé. Par conséquent, le Conseil d’Etat rejette la demande tendant aux retraits de cette caméra.
- S’agissant des caméras portables confiés aux agents municipaux pour contrôler la température à l’entrée des écoles :lorsqu’un écart anormal de température est relevé, les enseignants ou les personnels municipaux sont invités à quitter le service et, pour ce qui concerne les élèves, les parents sont immédiatement contactés afin de venir chercher les enfants qui doivent quitter l’école. La collecte de données de santé ainsi opérée par les caméras thermiques est constitutive d’un traitement au sens de l’article 4 du RGPD. Ce traitement, qui collecte la donnée de température pour ensuite afficher l’existence ou l’absence d’un écart à la normale, est automatisé. Les données traitées sont personnelles au sens du RGPD.
En l’absence de texte précisant l’intérêt public/la politique de santé qui peut rendre nécessaire le recours à ces caméras et en l’absence de consentement libre des personnes soumises à ce texte (l’accès des enfants à l’école est subordonné à l’acceptation de l’utilisation de la prise de température par caméra thermique), le traitement des données de santé est illégal. Selon le Conseil d’Etat, ces caméras portables portent donc atteinte au droit au respect de la vie privée et doivent être retirée.
Conseil d’Etat, 26 juin 2020, Caméras thermiques à Lisses