Les entreprises employant au moins 50 salariés et les entreprises constituant une unité économique et sociale d’au moins 50 salariés garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l’entreprise. La formule légale de calcul de la participation des salariés prévoit que le personnel a un droit à se voir attribuer une partie du bénéfice fiscal net dégagé par l’entreprise, pourvu que ce bénéfice dépasse une somme censée représenter la rémunération normale des capitaux placés dans l’entreprise.
Le calcul de la réserve spéciale de participation nécessite ainsi de déterminer successivement le bénéfice net réalisé en France, sur lequel on opère une déduction de 5 % des capitaux propres, puis le rapport des salaires sur la valeur ajoutée. La réserve est alors égale à la moitié du produit de ce rapport par le bénéfice net amputé de la rémunération des capitaux propres.
En application des dispositions de l’article L. 3326-1 du Code du travail, « le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l’entreprise sont établis par une attestation de l’inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes ». Le texte précise par ailleurs que ces éléments ne peuvent être remis en cause à l’occasion des litiges portant sur la participation.
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Sur le fondement de ce texte, la Cour de cassation exclut, de façon constante, toute demande directe en complément de participation formée contre l’employeur par les salariés ou leurs représentants, ou encore par les organisations syndicales, qui serait fondée sur le caractère erroné du montant du bénéfice net ou des capitaux propres figurant sur l’attestation. Un syndicat est ainsi irrecevable à demander une réévaluation de la réserve spéciale de participation en prenant en compte un montant du bénéfice net et des capitaux propres différents de ceux figurant sur l’attestation du commissaire aux comptes à défaut d’attestation fiscale rectificative au titre de l’exercice litigieux (Cass. Soc. 28 février 2018, n° 16-17.994).
Le 25 octobre 2023, la Cour de cassation a néanmoins décidé de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC sur ce sujet, en se fondant sur la jurisprudence administrative, selon laquelle l’attestation visée à l’article L. 3326-1 du Code du travail a pour seul objet de garantir la concordance entre le montant du bénéfice net et des capitaux propres déclarés à l’administration et celui utilisé par l’entreprise pour le calcul de la réserve spéciale de participation des salariés aux résultats de l’entreprise. Selon la Cour, dès lors que l’inspecteur des impôts ou le commissaire aux comptes qui établit cette attestation n’exerce pas, dans le cadre de cette mission, un pouvoir de contrôle de la situation de l’entreprise, l’article L. 3326-1 du code du travail, tel qu’interprété par la Cour de cassation, en ce qu’il interdit toute remise en cause, dans un litige relatif à la participation, des montants établis par ladite attestation, dont la sincérité n’est pas contestée, quand bien même sont invoqués la fraude ou l’abus de droit à l’encontre des actes de gestion de l’entreprise, pourrait être considéré comme portant une atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif.
Dans une décision rendue le 24 janvier 2024, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions de l’article L. 3326-1 du Code du travail ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif et sont en conséquence conformes à la Constitution.
Selon le Conseil, en effet, l’attestation visée par le texte vise seulement à garantir la concordance entre le montant du bénéfice net et des capitaux propres déclarés à l’administration fiscale et celui utilisé par l’entreprise pour le calcul de la réserve spéciale de participation.
En ce sens, les dispositions du Code du travail poursuivent un objectif d’intérêt général en évitant que les montants déclarés par l’entreprise et vérifiés par l’administration fiscale, sous le contrôle du juge de l’impôt, puissent être remis en cause, devant le juge de la participation, par des tiers à la procédure d’établissement de l’impôt.
Au soutien de leur décision, les Sages rappellent par ailleurs que l’administration fiscale, qui contrôle les déclarations effectuées pour l’établissement des impôts, peut, le cas échéant sur la base de renseignements portés à sa connaissance par un tiers, contester et faire rectifier les montants déclarés par l’entreprise au titre du bénéfice net ou des capitaux propres, notamment en cas de fraude ou d’abus de droit liés à des actes de gestion. Dans ce cas, une attestation rectificative est établie aux fins de procéder à un nouveau calcul du montant de la réserve spéciale de participation.
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2024/20231077QPC.htm