Dans un arrêt rendu le 21 octobre dernier, la Cour d’appel de Douai a jugé, en contradiction totale avec les arrêts rendus par la Cour de cassation le 11 mai dernier, que le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse fixé à l’article L. 1235-3 du Code du travail, dit barème « Macron », devait être écarté.
En l’espèce, un agent d’entretien avait été licencié après avoir refusé plusieurs mutations. Contestant son licenciement, il tentait également de faire valoir que la barème Macron, conduisant à une indemnisation maximale équivalente à 16 mois de salaire dans sa situation, était insuffisant au regard, notamment, de ses charges de famille (huit enfants, dont trois encore mineurs) et de ses charges financières (deux prêts immobiliers non remboursés).
Le salarié a obtenu gain de cause devant le Conseil de prud’hommes sur le caractère abusif de son licenciement, mais pas sur le dépassement du barème.
La société a ainsi interjeté appel de cette décision s’agissant du bien-fondé du licenciement, tandis que le salarié a formé un appel incident pour tenter d’obtenir le dépassement du barème.
Lors de l’audience, le 6 juillet 2022, la société n’avait pas manqué de rappeler, sur ce dernier point, l’état du droit et notamment la toute récente jurisprudence de la Cour de cassation.
Las, la Cour d’appel de Douai a confirmé le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes s’agissant du licenciement sans cause réelle et sérieuse avant de le censurer s’agissant de l’indemnisation, en refusant d’appliquer le barème Macron aux termes d’une motivation qui ne manquera pas d’interroger le praticien.
En effet, pour en écarter l’application, la Cour d’appel se livre à un contrôle de conventionnalité in concreto du barème – soit au cas spécifique du salarié pris individuellement – au regard de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT fixant le principe d’une indemnisation « adéquate » du salarié injustement licencié.
Or, dans ses arrêts du 11 mai 2022, la Cour de cassation avait expressément jugé que ce texte ne pouvait pas faire l’objet d’un tel contrôle de conventionnalité in concreto, l’office du juge se limitant en la matière à apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux du barème uniquement, et non à en sortir.
Dans le communiqué qui accompagnait ses arrêts, la Cour de cassation ne laissait par ailleurs planer aucun doute sur le sens de sa décision en indiquant que « le préjudice causé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se prête pas à un contrôle de conventionnalité in concreto » au motif que cela « créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable, qui serait susceptible de changer en fonction de circonstances individuelles et de leur appréciation par les juges » et « porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi ».
La Cour d’appel de Douai, qui vise expressément ces décisions dans son arrêt, a cependant préféré les écarter, considérant, quant à elle, qu’il « devrait revenir au juge de déterminer un montant en dehors des limites du barème au vu des éléments précis de la cause ».
En cas de pourvoi, l’arrêt de la Cour d’appel de Douai présente ainsi de grandes chances d’être censuré par la Cour de cassation, dont la jurisprudence, particulièrement claire, avait le mérite de mettre un terme à une longue période d’insécurité juridique pour les praticiens.
L’on peut alors s’interroger sur la nature des intentions de la Cour d’appel de Douai, qui semble uniquement vouloir marquer sa singularité et son désaccord avec la juridiction suprême de l’ordre judiciaire, sans égard pour le salarié et son employeur, qu’elle replonge dans cette insécurité juridique dans l’attente d’une décision de cassation avec un grand risque, in fine, que l’un doive restituer une somme à l’autre…