Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 8 décembre dernier.
En l’espèce, l’inspecteur du travail a refusé d’accorder l’autorisation de licencier un salarié exerçant le mandat de représentant syndical. La Ministre du travail a annulé la décision de l’inspecteur du travail et autorisé le licenciement du salarié concerné. Le Tribunal administratif de Lille a ensuite rejeté la demande du salarié tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision, puis la Cour administrative d’appel de Douai a rejeté son appel à l’encontre de ce jugement.
La décision de la Ministre du travail autorisant le licenciement se fonde sur le caractère fautif de déclarations du salarié et retient également à l’encontre de ce dernier le refus réitéré d’assurer la mission confiée par son supérieur hiérarchique.
Il ressort, en effet, des faits de cette espèce que « par un premier courrier électronique daté du 21 juillet 2014, envoyé à une quinzaine de dirigeants et d’agents de la SNCF, le salarié a mis en cause son ancien supérieur hiérarchique direct en l’accusant, sans plus de précision, de commettre un ” délit d’abus de bien social ” résultant de ” l’utilisation massive ” d’emplacements de parkings à des fins personnelles “, et en dénonçant ” une longue liste de délits ” ainsi que des ” affaires de clientélisme, de népotisme, de conflits d’intérêts ” et de ” prises illégales d’intérêts ” affectant le service Nord Pas-de-Calais du réseau ferré. Par deux autres courriers électroniques datés du 25 juillet 2014 également envoyés à de nombreux dirigeants de la société, il a qualifié son ancien supérieur hiérarchique de ” sinistre personnage ” ayant ” sa garde rapprochée “, et indiqué ne plus vouloir accepter de mission provenant du service dirigé par ce dernier, qualifié de ” truand corrompu ” et dénoncé les ” sombres activités de certains dirigeants “ ».
Le salarié a notamment fait valoir que la décision attaquée, autorisant son licenciement, méconnaitrait la protection des lanceurs d’alerte prévue par les dispositions de l’article L.1232-3-3 du Code du travail selon lesquelles, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
Aux termes d’un arrêt du 8 décembre 2023, le Conseil d’état a rejeté la requête du salarié et jugé qu’il ne pouvait se prévaloir de la protection applicable aux lanceurs d’alerte prévue par les dispositions précitées et, par conséquent, soutenir que le Ministre aurait autorisé son licenciement en méconnaissance de ces dispositions pour les motifs suivants :
« En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que les accusations d’une particulière gravité proférées par M. A… dans les courriers électroniques litigieux sont formulées en des termes généraux et outranciers, sans que l’intéressé ait été par la suite en mesure de les préciser d’aucune manière. Elles s’inscrivent, en outre, dans le cadre d’une campagne de dénigrement dirigée contre son ancien supérieur hiérarchique direct, se traduisant par la mise en cause répétée de celui-ci pour des pratiques illégales que M. A… n’a jamais étayées par le moindre élément factuel, le requérant n’ayant, par exemple, pas donné suite à la demande de précision de la direction de l’éthique de la SNCF qu’il avait saisie en 2013, en des termes allusifs, d’accusations de fraude. M. A… ne peut, dans ces conditions, être regardé comme ayant agi de bonne foi ».
Par ailleurs, « si le requérant soutient que ses propos manifestaient l’état de souffrance dans laquelle il se trouvait, dans un contexte de harcèlement moral, il ressort des pièces du dossier que le harcèlement moral dont il affirme avoir été la victime n’est pas établi. Les déclarations répétées dont il a été l’auteur, qui revêtent un caractère insultant et outrancier, s’inscrivent en outre, ainsi qu’il a été dit, dans une campagne de dénigrement de son supérieur hiérarchique. M. A…, qui avait déjà été sanctionné en 2012 pour des propos diffamatoires envers ses supérieurs, n’est, par suite, pas fondé à soutenir que les fautes qui lui ont été reprochés n’étaient pas d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement ».
Dès lors, le salarié qui profère des accusations graves à l’encontre de son employeur, qui s’inscrivent dans le cadre d’une campagne de dénigrement de ce dernier, que le salarié n’a jamais étayées par le moindre élément factuel, n’agit pas de bonne foi, de sorte qu’il ne peut se prévaloir de la protection applicable aux lanceurs d’alerte prévue par l’article L.1132-3-3 du Code du travail.