Depuis maintenant quelques années, les stratégies judiciaires se perfectionnent au fur et à mesure que s’affirment les décisions de la Cour de cassation sur la solidité (avérée) du barème « Macron ».
Parmi elles, la redoutable déclaration d’accident du travail motivée par la réception d’une convocation à entretien préalable ou consécutive à la teneur dudit entretien.
Le processus est bien rodé : une fois reçu la missive ou passé la date de l’entretien, le salarié bénéficie alors d’un arrêt de travail relativement long (idéalement d’une durée supérieure à celle de la prescription des faits fautifs ayant présidé à l’engagement de la procédure). Un psychiatre est aussi parfois mis à contribution pour « renforcer » le bien-fondé dudit arrêt vis-à-vis du fâcheux qui pourrait y voir une légère forme d’opportunisme teintée d’un certain angélisme du corps médical au regard de ces considérations bassement pécuniaires.
Face à cette situation, les employeurs se trouvent parfois bien démunis et n’ont le choix qu’entre plusieurs (mauvaises) solutions :
1/ la première – sous forme de provocation – suggérée parfois par certains qui serait de notifier la rupture sans respecter le formalisme de la convocation à l’entretien préalable (il est vrai qu’il vaut mieux endurer le risque d’une condamnation sur le formalisme) que de subir une nullité ;
2/ la seconde qui serait de n’envisager que des licenciements pour insuffisance professionnelle (ce licenciement étant moins contraignant en termes de délais) mais ce qui n’est guère pertinent si le comportement est à la base… fautif ;
3/ la troisième est de qualifier le licenciement pour faute grave pour contourner l’obstacle de la protection et se hâter de transiger ensuite pour éviter de connaître l’appréciation du Juge sur la réalité ou non de la faute grave.
Dans l’intervalle, les décisions se succèdent… suscitant espoir et désespoir des employeurs parfois bien dépourvus devant tant d’ingéniosité juridique.
Parmi ces décisions, relevons celle rendue le 4 octobre par la Cour d’appel de Paris considérant que « la convocation à un entretien disciplinaire relève de l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur et la mise en œuvre de cette possibilité ne saurait constituer en elle-même un événement soudain susceptible de caractériser un accident relevant de la législation sur les risques professionnels, nonobstant le ressenti du salarié ».
https://www.courdecassation.fr/decision/6700d6f4836fac7141b7ea1c
Mais qui est difficilement conciliable avec celle rendue il y a quelques mois plus tôt par la Cour d’appel de Lyon estimant que la réception d’un courrier de convocation à entretien préalable informant le salarié d’une éventuelle sanction disciplinaire constitue un fait précis et soudain survenu par le fait du travail et que par conséquent la présomption d’imputabilité trouve donc à s’appliquer (Lyon, Chambre sociale, 12 mars 2024, n°21/06160).
https://www.courdecassation.fr/decision/65f1518328057200093c414d
Dans ce contexte, peut-on imaginer que le législateur – qui a su s’emparer du phénomène des abandons de poste (certes avec 20 ans de retard) – profite de l’effervescence parlementaire du moment et décide de tout simplement neutraliser le délai de prescription des faits fautifs en cas d’arrêt de travail pendant une procédure disciplinaire ? Solution simple et de bon sens dont on reparlera peut-être dans 20 ans…