C’est une conséquence connue des employeurs : le manquement de l’employeur à l’obligation de faire passer une visite médicale peut justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ou sa résiliation judiciaire à l’initiative du salarié s’il empêche la poursuite du travail.
Précédemment, la Haute Cour avait pu juger que tel était le cas lorsque l’employeur refuse sans justification d’organiser la visite de reprise après un arrêt de travail (Cass. soc. 23-9-2014 n° 12-24.967), solution logique compte tenu de l’acte positif de l’employeur dans l’inorganisation de cette visite de reprise.
Par un arrêt du 3 juillet 2024 (n°23-13.784), la Cour de cassation livre une nouvelle illustration des conséquences qui sont susceptibles d’être tirées de l’inorganisation de la visite médicale de reprise.
Elle précise sa jurisprudence et fait une application stricte de l’article R. 4624-31 du Code du travail, à savoir que l’employeur organise la visite médicale de reprise dès qu’il a connaissance de la date de la fin de l’arrêt – étant précisé que la motivation de l’arrêt a été rendu sous l’empire de l’ancien article R. 4624-31 du Code du travail tel qu’issu du décret n°2016-1908, mais que cela n’a pas d’incidence selon nous sur sa rédaction actuelle.
A défaut, ce manquement est susceptible de fonder une demande de résiliation judiciaire – sous réserve toutefois que ce manquement soit de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Dans cet arrêt, un salarié a présenté une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, aux motifs que l’employeur n’avait pas organisé sa visite médicale de reprise, alors que le salarié :
- avait avisé son employeur de la fin de son arrêt,
- lui avait demandé d’organiser cette visite médicale de reprise,
- avait réitéré sa demande après la fin de son arrêt.
La Cour d’appel n’a pas fait droit à la demande de résiliation judiciaire du salarié, en retenant que :
« L’initiative en incombe à titre principal à l’employeur mais ce dernier n’a pas, antérieurement à la reprise du travail, voire à la manifestation de volonté du salarié de le reprendre, l’obligation de faire procéder à un tel examen, et cela en dépit d’une jurisprudence parfois contrastée de la Cour de cassation sur le sens de laquelle les parties s’opposent d’ailleurs.
C’est donc à juste titre que la société, avisée le 3 janvier 2018 de la fin de l’arrêt de travail au 27 décembre 2017, a demandé au salarié, qui se bornait à solliciter l’organisation de la visite de reprise, sans manifester la volonté de reprendre le travail, de préalablement reprendre son emploi.
Faute pour M. [F] de s’être présenté à l’agence, l’employeur n’avait pas à l’organiser. »
La réponse de la Cour de cassation est claire – et ne pourra qu’éclaircir la Cour d’appel concernée sur le caractère contrasté de la jurisprudence de la Cour de cassation :
« En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le salarié avait informé l’employeur de la fin de son arrêt de travail, demandé l’organisation de la visite de reprise le 3 janvier 2018 et réitéré cette demande, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé. »
N’est toutefois pas tranchée l’hypothèse où l’employeur procèderait bien à l’organisation de la visite de reprise, mais, compte tenu de l’engorgement des services de santé au travail, celle-ci ne serait programmée que très tardivement au regard de la fin de l’arrêt de travail.
L’employeur ne saurait ici demander au salarié de reprendre son poste de travail, à défaut de toute visite médicale de reprise.
Pour autant il ne peut remplir son obligation première qui est de fournir du travail à son salarié.
Situation qui aurait le mérite d’être clarifiée…à défaut de quoi, il convient d’être particulièrement vigilant.