Les arrêts de travail pour maladie des salariés posent la question du maintien ou non du versement de certains avantages.
De manière générale, en cas de suspension du contrat de travail, le droit au paiement d’une gratification est mis en cause si ses conditions d’attribution exigent la présence effective du salarié dans l’entreprise au jour de son versement, voire plus largement une présence continue pendant toute la période couverte par son versement.
Selon la jurisprudence, la prime qui est conditionnée par la présence effective du salarié dans l’entreprise n’est ainsi pas due en cas d’absence (Cass. Soc. 21 octobre 2020, n° 18-24.257).
En l’absence de précision à ce sujet dans les dispositions conventionnelles, la jurisprudence considère que les primes et autres gratifications sont en principe dues en intégralité, en cas d’absence, lorsqu’elles ne sont pas liées au temps de travail ou de présence effective mais se réfèrent à d’autres critères.
Tel est notamment le cas de la prime d’ancienneté.
En effet, selon la Cour de cassation, la prime d’ancienneté, qui récompense la fidélité du salarié à l’entreprise et non sa présence régulière, est due sans qu’il puisse être tenu compte des absences pour maladie (Cass. Soc. 17 mars 1982, n° 80-40.167 ; Cass. Soc. 28 juin 2018, n° 16-28.511).
Une telle position a toutefois déjà été nuancée dans des hypothèses dans lesquelles les dispositions conventionnelles prévoient que la prime d’ancienneté s’ajoute au salaire réel de l’intéressé.
Tel est par exemple le cas de la prime d’ancienneté prévue par les dispositions de la CCN des entreprises de prévention et de sécurité, dont l’article 9.03 est rédigé comme suit :
« Une prime d’ancienneté est accordée aux agents d’exploitation, employés, techniciens et agents de maîtrise. Cette prime s’ajoute au salaire réel de l’intéressé ; elle est calculée sur le salaire minimal conventionnel de la qualification de l’intéressé aux taux suivants :
– 2 % après 4 ans d’ancienneté dans l’entreprise ;
– 5 % après 7 ans d’ancienneté dans l’entreprise ;
– 8 % après 10 ans d’ancienneté dans l’entreprise ;
– 10 % après 12 ans d’ancienneté dans l’entreprise ;
– 12 % après 15 ans d’ancienneté dans l’entreprise ».
Selon la Cour d’appel de Paris, « l’interprétation littérale du texte exclut qu’en l’absence d’obligation pour l’employeur de servir un salaire de base la prime litigieuse soit due ». Soulignant qu’ « il n’y a pas d’ajout possible à un salaire qui n’est pas dû », les juges ont ainsi décidé que « la prime d’ancienneté n’est due qu’autant qu’est dû le salaire lui-même, auquel elle s’ajoute, et dont elle n’est qu’une composante » (Paris, 14 décembre 2022, n° 20/03822).
La Cour d’appel de Versailles a statué dans le même sens s’agissant de la prime d’ancienneté instaurée par la CCN de l’Immobilier (Versailles, 10 juin 2021, n° 19/02602).
A lire ces décisions, lorsque les dispositions conventionnelles instaurant la prime d’ancienneté prévoient que celle-ci s’ajoute au « salaire réel perçu par le salarié », la prime d’ancienneté ne serait exigible que si le salarié perçoit effectivement un salaire sur le mois concerné. Un salarié en absence non rémunérée ne devrait donc pas être éligible au versement de la prime.
C’est d’ailleurs en ce sens qu’avait expressément statué la Cour de cassation s’agissant de la prime d’ancienneté prévue par la Convention collective de la métallurgie (région parisienne) :
« Attendu, ensuite, que selon l’article 15 de l’avenant « mensuels » du 2 mai 1979 à la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954, la prime d’ancienneté s’ajoute au salaire réel de l’intéressé et son montant varie avec l’horaire de travail et supporte, le cas échéant, les majorations pour heures supplémentaires ; qu’il en résulte que le salarié ne peut prétendre au versement de cette prime pendant ses absences non rémunérées ;
Attendu enfin que la cour d’appel, ayant constaté que la salariée n’avait pas perçu de rémunération depuis 1999, en a exactement déduit que la prime d’ancienneté n’était pas due » (Cass. Soc. 6 décembre 2017, n° 16-17.137).
Aux termes d’un arrêt rendu le 2 avril 2025, elle a expressément confirmé sa position :
« Selon l’article 15 de l’avenant « mensuels » du 2 mai 1979 à la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954, la prime d’ancienneté s’ajoute au salaire réel de l’intéressé et son montant varie avec l’horaire de travail et supporte, le cas échéant, les majorations pour heures supplémentaires.
S’il ne résulte pas de ces dispositions que la prime d’ancienneté puisse être réduite voire supprimée en cas d’absence du salarié, ce dernier ne peut toutefois pas prétendre au versement de cette prime pendant son absence pour maladie non rémunérée.
La cour d’appel, qui a constaté par motifs adoptés que le salarié n’avait perçu aucune rémunération due par l’employeur pendant son absence, a exactement retenu que l’intéressé n’avait pas droit au paiement de la prime d’ancienneté pendant cette période ».
Le fait d’être rémunéré ou non pendant l’absence pour maladie est donc déterminant.
En effet, dès lors que la convention collective attelle la prime d’ancienneté au salaire réel perçu par le salarié, la rémunération devient le principal critère de versement de la prime d’ancienneté.
Concrètement, c’est donc le maintien de salaire qui peut justifier le versement de la prime d’ancienneté, les seules indemnités journalières étant sans effet, puisqu’il ne s’agit pas d’une rémunération.
https://www.courdecassation.fr/decision/67eccf6005aee137f36c3527