Les conventions de forfait en jours n’en finissent plus d’alimenter les contentieux en matière sociale.
Pour rappel, ce mode de décompte dérogatoire du temps de travail est strictement encadré par le Code du travail et la jurisprudence. Ainsi, sa mise en place est subordonnée au respect de plusieurs conditions, et sa mise en œuvre impose à l’employeur d’effectuer un suivi de la charge de travail du salarié.
En cas de non-respect de ces dispositions, le salarié soumis à une convention de forfait en jjours peut solliciter du juge prud’homal qu’il prononce la nullité ou, selon les circonstances, l’inopposabilité de la convention de forfait, et le paiement de l’ensemble des heures de travail accomplies au-delà de la durée légale du travail (35 heures).
Compte tenu de la prescription triennale applicable à une telle action en paiement d’heures supplémentaires, les condamnations mises à la charge des employeurs peuvent être particulièrement lourdes.
C’est pourquoi, afin de de « faire baisser la note », certains employeurs ont été tentés de développer un argument selon lequel, lorsque la rémunération contractuelle du salarié (dont la convention de forfait est jugée irrégulière) est supérieure au minimum conventionnel, cela peut tenir lieu de paiement des heures de travail accomplies au-delà de 35 heures.
Ils soutenaient en effet que, forfaitaire, la rémunération versée tenait en réalité déjà compte, par définition, de l’intégralité des heures de travail que le salarié était amenées à réaliser dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, en ce compris les heures excédant la durée légale du travail.
Un tel argument a pu convaincre certains Conseils de prud’hommes, à l’instar de celui de Paris, qui avait jugé que :
« Les parties, lorsqu’elles ont convenu de la rémunération de la demanderesse, ont tenu compte, dans le montant fixé, du fait qu’aucune rémunération complémentaire ne serait versée au titre d’heures supplémentaires ; en conséquence, la rémunération forfaitaire convenue était supérieure à celle qui aurait été retenue en l’absence d’une telle clause ; que les seuls calculs effectués à ce titre et produits aux débats démontrent que le montant total des sommes demandées au titre des heures supplémentaires effectuées ajouté à la rémunération minimale prévue par la convention collective est inférieure à celle qui avait été convenue par les parties, en conséquence, qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande au titre des heures supplémentaires » (CPH Paris, 31 mai 2017, n° 15/12709).
Dans un arrêt rendu le 6 novembre 2024, la Cour de cassation a néanmoins rejeté sans équivoque un tel argument :
« Après avoir retenu que la convention de forfait en jours était inopposable au salarié et énoncé à bon droit que le versement d’un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a souverainement évalué l’importance des heures supplémentaires et fixé les créances salariales s’y rapportant ».
Une telle solution ne surprend pas, la Cour de cassation ayant déjà jugé que, lorsqu’un rappel d’heures supplémentaires devait être fait en raison de l’inopposabilité d’une convention de forfait, celui-ci était calculé sur la base du salaire réel du salarié, et non sur la base du salaire minimum conventionnel (Cass. Soc. 17 novembre 2021, n° 19-16.756). Elle considérait dès lors déjà que le montant de la rémunération forfaitaire contractuellement convenue avec le salarié était sans incidence sur le calcul du rappel de salaire du û à ce dernier.