L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation, en date du 9 octobre 2024 (n°23-10.488) concernait une entreprise commercialisant des jeux de loterie et de paris sportifs et des intermédiaires chargés de distribuer ses produits. Des salariés d’une des sociétés mandataires, licenciés pour motif économique, avaient saisi le conseil de prud’hommes afin, notamment, de faire reconnaître la qualité de coemployeur de la société commercialisant des jeux de loterie et de paris sportifs et des intermédiaires.
Pour rappel, le co-emploi est reconnu lorsque les critères suivants sont réunis : « une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière » (Cass. soc., 25 nov. 2020, nº 18-13.769)
La question était ici de savoir si l’approche devait être différente lorsque la situation de co-emploi est revendiquée en dehors d’un groupe, entre des sociétés unies seulement par des relations commerciales.
Les salariés ont été déboutés, faute d’éléments suffisants pour caractériser le co-emploi.
La Cour de cassation exige en effet qu’« au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre elles et l’état de domination économique que peut engendrer leur relation commerciale, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière ».
Certes, les juges du fond avaient constaté une situation de monopole sur la commercialisation des produits, une organisation centralisée, une coordination des actions commerciales et des liens commerciaux étroits entre les sociétés, mais les intermédiaires, bien que tenus de se conformer à la politique commerciale définie contractuellement, restaient libres de contracter ou non avec la société de jeux, puis de gérer et d’administrer leur propre société ou entité.
En outre, aucune immixtion n’avait été constatée dans la gestion sociale, notamment en matière de recrutement ou de départ, de salaires, primes ou commissions, régimes sociaux, évolution de carrière, pas même occasionnelle. Le maintien de l’autonomie d’action excluait donc la qualité de coemployeur.
En conclusion, l’arrêt confirme deux choses :
- D’une part, le co-emploi peut être invoqué dans des cas où les entreprises travaillent en réseau,
- D’autre part, le co-emploi continuera d’être admis de manière exceptionnelle, probablement encore plus hors de situations internes à un groupe, car il sera particulièrement difficile de démontrer au cas par cas l’existence d’une perte totale d’autonomie d’action.